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Tout s’est bien passé,

Emmanuèle Berhneim, Gallimard, Paris, 2013.

Ce coup de cœur est plutôt un... coup de poing, mais peut-être est-il recevable en ce temps qui nous invite à contempler un Dieu qui connut notre mort ?

Emmanuèle Bernheim, auteure de cinq romans, prix Médicis 1993, est confrontée par son père à une terrifiante demande : « Je veux que tu m’aides à en finir ». Celui-ci, André Bernheim, est un éminent galeriste parisien. Victime d’un accident vasculaire cérébral, il a été soigné dans deux hôpitaux parisiens et vient d’être transporté à Broca pour la réadaptation. Il semble aller mieux. Là, il prend le bras de sa fille… et la regarde en face : « Je veux que tu m’aides à en finir ». […] Jamais depuis son accident il n’avait parlé aussi distinctement…

C’est un temps suspendu au-dessus de l’abîme que nous offre ces pages, d’une bouleversante pudeur, jusqu’à l’ultime dénouement : la mort donnée en Suisse, où il n’a pas été possible à Emmanuèle d’accompagner son père – en raison du risque pénal, accompagné d’un retour en France pour celui qui veut toujours, en toute conscience, sereinement mais inexorablement, « en finir », malgré les efforts des siens pour le retenir… – là où « Tout s’est bien passé », selon le dernier message de « la dame suisse ». « Vous étiez près de lui quand il est mort ? » « Oui, je lui ai tenu la main. La main gauche. »
Ce texte nous rejoint au plus profond de notre commune humanité, dans la nudité d’une originelle liberté. Qui n’a connu telle épreuve – au sens littéral et absolu – ne pourra peut-être pas "entendre" ce récit. Saurons-nous voir l’humanité sourdre au plus profond des interrogations et de l’amour dont ces lignes témoignent, sans pathos, sans évidences universelles, sans réponses – dans un angoissant et infini respect de celui qui veut mourir quand « – Ça… [son corps] – Tout ça… – Ce n’est… – PLUS MOI… » ?
Vertigineuses interrogations auxquelles nul humain ne peut se soustraire en notre temps, et auxquelles aucune loi ne pourra jamais répondre. Questions de vie et de mort que nos peurs, dogmatismes ou lâchetés peuvent parfois "fermer" sans humanité.
On sort de ce livre littéralement "sonné" et le temps n’efface pas ce que nous avons pu entrevoir de la toute fragile et immense grandeur humaine… Celle qui parle le silence de Dieu.

Sr Thérèse-Emmanuel, Paris, le 16 avril 2014

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