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Vox populi… Vox Dei ?!

Beaucoup d’émotion, tout autant d’encre et de papier pour annoncer et couvrir l’événement... des fidèles témoignent de leur joie et de leur fierté lors de la béatification de celui qu’ils appellent déjà Jean-Paul le Grand. La foule se presse et la Place Saint Pierre retrouve « l’ambiance de l’époque Jean-Paul II », celle des immenses célébrations rassemblant les foules populaires… Ce climat festif tranche avec l’atmosphère triste et morose qui pesait sur Rome lors du décès du pape en 2005. Des centaines de milliers de personnes s’étaient déplacées pour ses funérailles, des milliers seulement pour sa béatification, six ans après…


Une béatification hors normes pour un pape d’exception ! Fallait-il aller si vite ? Pourquoi ? Pour quoi et pour qui ? La béatification de Jean-Paul II est-elle opportune ? Qu’apporte-t-elle à notre monde d’aujourd’hui ? Je suis perplexe par l’engouement et la rapidité de cette béatification. Sans vouloir remettre en cause les mérites attribués à Jean-Paul II, j’ai du mal à comprendre…

Deux ans ont-ils vraiment suffit à l’examen attentif de ses nombreux écrits ? Est-il bon que la béatification soit décrétée par le successeur direct qui a tant travaillé aux côtés du pape ? Fallait-il confier la procédure à ceux qui lui doivent leur poste ? Quelle garantie d’impartialité ! Pourquoi avoir refusé à Jean-Paul II l’épreuve du temps ? Il avait pourtant tout à y gagner en confirmation et solidité ! L’Eglise et le monde, qu’avaient-ils à gagner dans la précipitation, sinon un doute ?

Jean-Paul II est porté aux nues par une génération qui n’a connu qu’un seul pape. Dommage ! Cela annihile tout esprit critique envers celui qui a su séduire… Pourquoi n’avoir pas proposé Jean XXIII ? En matière de sainteté, il n’a sûrement rien à envier à Jean-Paul II, mais c’eût été probablement une grave erreur politique à l’heure où le Concile est mis à mal !

Plus grave, les scandales de la pédophilie - dont il était au courant - contribuent au discrédit de l’Eglise catholique ; qu’en est-il de notre délicatesse à l’égard des victimes ? Viennent ensuite d’autres objections comme le coup d’arrêt porté à la théologie de la libération en Amérique Latine, le soutien apporté au fondateur des Légionnaires du Christ, alors que de sérieux doutes ont émergé dès 2000… Benoît XVI a passé les six premières années de son pontificat à essayer de réparer les dégâts de tels errements ! Les Polonais eux-mêmes sont divisés. Karol Wojtyla aurait inspiré le mouvement Solidarité de Lech Walesa qui a joué un rôle de premier plan dans l’implosion du communisme en Pologne. Modelé par des décennies de souffrance pendant la guerre et sous la férule du communisme il est une figure emblématique à laquelle beaucoup de Polonais « s’identifient » sans hésitation… alors que d’autres s’interrogent sur ce qu’ils estiment être l’adoration irréfléchie d’un homme dont l’héritage est remis en question. Quant aux détracteurs de la « cause Jean-Paul II », ils gardent le silence de peur d’être mis au ban de la société…

Alors, fallait-il céder à la « vox populi » de le faire « santo subito » au risque de cautionner un « culte de la personnalité » ? Si, comme le dit Joaquim Navarro-Valls, l’ancien porte-parole de Jean-Paul II, le procès en béatification ne vise pas un bilan pontifical, mais une vie de vertu chrétienne, comment dissocier l’homme de son pontificat ?

Florence, Carmélite de St Joseph , 15 mai 2011

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