Perle rare
Au milieu d’une actualité terne ou peu réjouissante ces derniers temps, mais peut être est-ce à moi de nettoyer les lunettes de mon cœur, une perle que je me suis empressée de recueillir ! Connaissez-vous Gil Juwu ? Sinon, avez-vous entendu parler de @soloNecrozis ?
Gil est un jeune étudiant gabonais ; il réside à Reims et étudie en France depuis 2008. Agé de 23 ans et féru de heavy-metal, de jazz et de philosophie, sa vie bascule soudainement, un mardi, le 6 mars plus exactement ! Ce fameux mardi, Gil envoie successivement trois messages sur Twitter où il a un compte. Le premier, anodin, le situe : « I’m at Porte de Charenton » ; le deuxième arrive quelques heures après, laconique : « Garde à vue », puis un troisième : « Tweet depuis le Mesnil-Amelot, centre de détention (en réalité rétention, ndlr) provisoire pour sans-papiers ». Alors que Gil revenait de Paris en covoiturage, il y a eu un contrôle de gendarmerie ; conduit au centre de rétention administrative (CRA), Gil Juwu est autorisé à utiliser son téléphone portable deux heures par jour. Il en profite pour envoyer ses impressions sur son compte Twitter. J’ai pu lire une partie de son témoignage et je pense qu’il mérite d’être connu ! Je vais juste livrer ici quelques uns de ses messages, montrant l’état d’esprit de l’étudiant aux cheveux ébouriffés. « Centre quasi neuf. Confort spartiate. 3 repas/jour. 2 par chambre. Infirmerie. Distributeur pr tabac, chocolats, sodas » ou encore : « Rétention administrative et non détention. L’accent est mis en permanence sur cette différence ici. Nous ne sommes pas prisonniers ici ».
L’expérience est forte : « Les tweets ne m’apportent pas un réconfort particulier. L’expérience que je vis dans ce centre me marque beaucoup plus que les tweets ». Il ajoute : « Ici, tout le monde a des histoires incroyables à raconter et chacun a l’espoir que ça s’arrange ». Quant aux forces de l’ordre, jeudi, M. Juwu écrit : « Les policiers ici sont exemplaires. A l’écoute, souriants, très souvent amicaux. Loin des clichés de la tv ». Il précise : « Je ne suis là que depuis deux jours mais je suis le premier étonné. Il y a du vouvoiement et même de l’humour, je n’ai pas vu d’animosité ». Ce témoignage sort de l’ordinaire. Non seulement, il ne porte aucune révolte, aucune amertume, mais en plus, révèle un étudiant sympathique, capable d’une critique positive. Si Gil Juwu remarque que le baby foot du CRA est « mal graissé », il commente la venue du préfet de Seine-et-Marne accompagnant une délégation allemande : « C’est drôle de voir en ‘vrai’ celui qui nous expulse ».
Ce témoignage remarquable de Gil lui a valu quantité de messages de soutien sur la Toile. En très peu de temps, le nombre de ses « suiveurs » (followers) a plus que triplé… Puis surprise ! Vendredi à 15 h 13, il annonce sa libération malgré le pessimisme de son avocat commis d’office : « A Melun. Après presque 3 h d’attente, le jugement est rendu. Je suis libre depuis un quart d’heure ». Plus tard, il ajoute : « Je n’ai cependant pas ‘gagné’ de carte de séjour pour autant. Beaucoup reste à faire ».
Oui, beaucoup reste à faire. L’avenir de Gil Juwu reste très incertain ; va-t-il pouvoir rester en France pour ses études ? Sa situation et son témoignage vont-ils permettre une avance concrète dans la régularisation des situations de personnes sans papiers ? Comment tant d’humanité de la part des policiers du Centre peut-elle côtoyer de si près la violence d’une expulsion ? Quel a été le poids du Net dans la délibération qui a permis sa libération ? Beaucoup de questions me viennent à l’esprit qui resteront probablement sans réponse. Pourtant, un étudiant plein d’humanité, jusque dans ce centre de rétention administrative, a été témoin de beaucoup d’attention et d’humanité et en est devenu le bénéficiaire. Certes, M. Juwu n’est pas sorti de l’auberge et nombreux sont ceux qui lui souhaitent de recevoir enfin une carte de séjour, mais peut être permettra-t-il une avancée, si petite soit-elle, pour lui et tant d’autres !
Ce témoignage, d’un grand poids d’humanité, fait du bien. Il révèle la présence d’une jeunesse simple, franche, innocente, sans détours et sans jugement facile et destructif face à une administration qui a subitement bouleversé sa vie… Grâce à lui, entre autres, tous les jeunes ne peuvent plus être mis dans le même sac ! Gil, un jeune iconoclaste de toutes les images dressant la jeunesse contre les policiers et réciproquement, d’autant plus que la jeunesse en question est étrangère. Surtout, je lis dans cet événement, la présence d’un témoin de paix au cœur d’un monde de violence. Merci à Gil et tous nos vœux pour une régularisation de sa situation et ses études !
Sr Florence , C.S.J. St Martin Belle Roche, 15 mars 2012
