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Joie d’offrir – joie de recevoir ?

La fin d’année, pour beaucoup d’entre-nous, fut une pleine période de rencontres familiales et amicales avec son lot de réjouissances. Suivant la tradition nous échangeons étrennes et cadeaux.
Cette tradition de cadeaux offerts s’enracine dans la fête de Noël : un Enfant nous est né, qui est mis à l’honneur ; il reçoit la visite des plus humbles bergers comme des plus grands savants de l’époque avec leurs dons les plus précieux apportés d’Orient. C’est le temps de l’admirable échange entre Dieu et les hommes : Dieu se fait homme pour que l’homme soit fait Dieu ; non pas Dieu doté d’une volonté de puissance écrasante, mais un Dieu qui se fait petit et vulnérable, de sa naissance dans une crèche à la mort sur une croix. Ce Dieu se fait mendiant de notre amour, par amour pour nous et il a voulu nous le dire en prenant sa part de vie humaine. Les cadeaux apportés par les Mages sont des présents de roi ; ces grands savants viennent de bien loin pour reconnaître un véritable roi dans cet enfant nouveau-né dans une étable…

Noël est devenu la fête des cadeaux faits aux enfants, puis à tous ceux qui nous sont chers. Ceci dit, les étrennes existaient bien avant l’ère chrétienne ; elles pourraient correspondre aux dons faits à la déesse romaine de la santé Strena, fêtée le 1er janvier. Tous, chrétiens ou non, se retrouvent bien dans cette tradition. En ce qui concerne Noël, avec la déchristianisation de notre société, les enfants ont quasi pris la place de l’enfant Jésus et deviennent des rois - voire parfois même des dieux – à qui nous offrons les plus beaux cadeaux. Si peu d’entre nous enracinons encore la fête de Noël dans l’événement extraordinaire d’un Dieu fait chair, d’un Dieu qui nous honore au point de souhaiter vivre notre condition humaine, souffrir avec nous de nos souffrance et se réjouir avec nous de nos joies, il reste souvent une belle dimension de gratuité dans l’échange de cadeaux. C’est la mise en valeur d’une relation unique que nous voulons reconnaître avec celui à qui nous offrons le cadeau parfois longuement choisi pour lui. Au final, si l’objet compte, il nous est plus précieux de découvrir et d’entretenir, à travers lui, l’affection dont il témoigne et dont il n’est qu’un modeste reflet. En effet, qu’est-ce qui importe le plus ? L’objet offert ou la façon dont il nous est offert ou plus encore l’affection dont il témoigne ? L’essentiel n’est visible qu’avec les yeux du cœur. Alors je m’interroge…

Près de 60 % des Français sont prêts à revendre leur cadeau s’il ne leur plaît pas, s’il est reçu en double ou s’il représente si peu affectivement qu’ils vont pouvoir en tirer un profit financier, même minime … Beaucoup d’entre eux ont mis en vente leur cadeau le jour même où ils l’ont reçu. Quid de la dimension relationnelle et affective témoignée lors du don ? Je suis heurtée par le profit que certains tirent par la vente d’un cadeau, et donc d’une chose reçue, gratuitement ! Certes, ils n’osent encore l’avouer à leurs proches ; cela se fait encore avec retenue, dans la plus grande discrétion ; seulement, pouvons-nous encore parler de discrétion dans un phénomène de société d’une telle ampleur ?

Peut-être est-ce pour me consoler, mais j’ose croire que c’est aussi l’effet d’une certaine « mauvaise conscience » qui nous pousse à cette discrétion vis-à-vis de ceux qui nous font l’honneur d’une reconnaissance particulière. Peut-être restons-nous touchés au plus profond de nous par le geste de celui qui nous offre une part de lui-même, gratuitement, hors de tout mérite de notre part, simplement parce qu’il veut nous dire que nous comptons pour lui. Le cadeau est le vecteur d’un je-ne-sais-quoi qui le dépasse infiniment, qui n’a pas de prix : l’affection et la reconnaissance que nous portons à quelqu’un. D’ailleurs, ne parlons-nous pas aussi de présent ? Le présent offert rend le donateur présent au bénéficiaire. Pouvons-nous faire fi si aisément de cette dimension symbolique ?

Comment honorer le geste de celui qui nous offre un cadeau, même s’il est tombé à côté de ce que nous aurions aimé ? Comment pouvons-nous entrer dans une gratuité si nous ne nous fixons que sur une valeur marchande possible ? Sommes-nous à ce point intéressés, pour devenir si mercantile ? Que va devenir notre joie d’offrir si nous n’avons plus la joie de recevoir ? Est-il pensable que toute dimension de gratuité disparaisse de nos échanges, surtout, en cette période de fêtes de fin d’année ? Cela ne me semble pas souhaitable... Une fois par an, l’occasion nous est officiellement donnée de nous rendre présents les uns aux autres, de nous reconnaître dans une relation unique et de le marquer symboliquement. Pour cela, certains économisent de longue date. Faire un cadeau coûte, certes, mais ce langage n’a pas de prix ! Gageons que cette dimension libre et gratuite du don offert joyeusement en fin d’année ne disparaisse pas définitivement de notre vie.

Sr Florence, csj St Martin Belle Roche Le 1er janvier 2014

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