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© Michel KICHKA,
membre de l'Association Cartooning for Peace -
Dessins pour la Paix.

De notre liberté d’expression

La France, pays des Droits de l’Homme a récemment revendiqué et défendu son précieux principe de la liberté d’expression ; à cette fin, différents moyens ont été mis en œuvre et si certains d’entre eux ont été largement suivis, ils n’ont pas pour autant obtenu l’unanimité. Certes, la France a la réputation d’être « le pays de la liberté ». Or, si nous sommes tous d’accord sur l’importance de préserver notre liberté d’expression et d’opinion, nous ne nous retrouvons pas sur la définition de cette liberté, sur son concept et la façon de l’exercer. Nous ne pouvons oublier tous ceux qui ont donné leur vie pour que notre pays reste un pays de liberté ! De quoi parlons-nous ?
Notre liberté d’expression est née au siècle des Lumières, au cœur d’une époque de réflexion philosophique fructueuse et son premier énoncé officiel voit le jour en 1789. Elle est surtout consacrée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En voici le texte : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme, tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Nous avons parfois tendance à oublier que cette liberté n’est pas un absolu et qu’elle se trouve affectée d’un certain nombre de limites. Exercer sa liberté d’expression suppose donc de les connaître !
La loi stipule que nous ne devons pas porter atteinte à la vie privée et au droit à l’image d’autrui, ni tenir de propos interdits par la loi, diffamatoires ou injurieux… Par propos diffamatoires, nous entendons toute allégation ou imputation d’un fait atteignant l’honneur ou la considération d’une personne. Quant à l’injure, il s’agit d’une expression outrageante, d’un terme de mépris ou d’une invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait. Dès son énoncé, la liberté d’expression dont nous nous réclamons porte en elle-même la dimension du respect d’autrui pour vivre ensemble sans être inquiété du fait de ses opinions, croyances ou expressions !
Nous ne pouvons donc pas - sous prétexte de liberté - dire, écrire, dessiner, ce que nous voulons, comme nous le voulons ou nous le voulons, sans tenir compte des personnes avec qui nous vivons, de celles qui composent notre société, où même des habitants du grand village qu’est devenu notre monde aujourd’hui ! Les événements de ces derniers temps nous l’ont montré. Un acte peut-il être délibérément posé si son auteur sait qu’il provoquera la colère, la violence, voire la mort d’êtres humains, par ceux qui se sentent injuriés ? Si la liberté de religion est intrinsèquement liée à la liberté d’expression et d’opinion, sur le plan du droit international, les restrictions à la liberté d’expression ne concernent pas le dénigrement des religions et de leurs symboles (cf. Commentaire général sur la liberté d’expression et d’opinion du Comité des Droits de l’Homme du 12 septembre 2011). Cependant, qu’en est-il de notre sens moral, de notre agir en communauté, de notre vivre ensemble ? L’esprit de la loi sert le respect et la dignité d’autrui.
Ne gagnons-nous pas en dignité en renonçant à un acte qui mettrait notre voisin en colère, surtout si cet acte n’est pas indispensable ? Si nous choisissons de provoquer une population de façon délibérée, comment nous étonner d’un retour de bâton ?
Nous avons des droits, entre autres, celui de nous exprimer librement, encore faudrait-il ne pas oublier qu’ils sont assortis de devoir : ici, le devoir du respect de l’expression et de l’opinion d’autrui. L’opinion d’autrui ne vaut-elle pas la peine d’être respectée autant que la mienne ?
Le métier de journaliste réclame courage et honnêteté de la part de ceux qui l’exercent ; ces dernières années, selon les chiffres de Reporters sans Frontières de 2014, 665 journalistes ont été assassinés dans l’exercice de leurs fonctions et des centaines d’autres sont emprisonnés, parfois torturés. Ces hommes et ces femmes paient le prix fort pour défendre notre propre liberté ! Cependant, l’enjeu de la protection de notre liberté d’expression de la liberté de la presse ne se borne pas aux situations de guerre et du terrorisme ; en de nombreuses régions, les mesures réglementaires ou législatives se développent afin de restreindre abusivement la liberté d’expression, favorisant l’ingérence d’Etats à l’encontre de l’indépendance éditoriale des médias. Ce qui se joue à grande échelle se joue aussi à moindre échelle. J’aimerais que les événements de ce début d’année nous permettent de prendre conscience, personnellement et communautairement, de ce que peut être une liberté exercée en responsabilité. Si la responsabilité est la capacité que nous avons de répondre de nos actes, c’est-à-dire d’en peser au mieux les conséquences pour en répondre devant autrui, alors notre responsabilité nous permettra de poser les limites de notre agir. Le respect d’autrui peut me faire renoncer à un acte, même si je crois avoir raison. Sans lâcher les valeurs qui nous sont chères, pouvons-nous mesurer ce qui est bénéfique à notre société d’exprimer publiquement et accepter de garder pour nous certaines de nos critiques jusqu’à ce que nous trouvions la façon de les exprimer qui soit acceptable par tous ? Il me semble que seule, une critique recevable par celui à qui elle s’adresse peut être constructive.

Florence , C.S.J. St Martin Belle Rochele 1er février 2015

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