Lc 11, 27-28 :
«La raison du plus fort ne sera pas toujours la meilleure»

«Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.» (v.3).
Voilà une invitation à la mission quelque peu paralysante, tant il est bien connu que les loups dévorent les agneaux. Et malgré le «Allez !» exhortatif qui se veut encourageant, l'envoyé n'est pas dupe de l'échec possible de sa mission. Et nous ne le sommes pas non plus devant les difficultés de l'annonce, les refus de la Bonne Nouvelle et de la vie, les fermetures à l'air frais et neuf de l'évangile. C'est peut-être à cet aspect de nouveauté, de fraîcheur presque naïve et de vulnérabilité que nous renvoie la comparaison avec l'agneau.
L'évangile ne pourrait-il pas être cet "agneau" se risquant dans le vaste monde, à la recherche non d'une onde pure mais de loups assoiffés à désaltérer au Christ Source de Vie ?

La figure de l'agneau n'est pas non plus sans nous rappeler celle de Jésus reconnu comme "Agneau de Dieu" au tout début de sa prédication (Jn 1,29) et identifié comme "Agneau immolé et glorieux" dans le livre de l'Apocalypse (Ap 5,6 et ss).
Jésus serait donc l'agneau qui nous envoie au devant de lui, celui qui nous donne sa vie, et encore celui qui proclame aux soixante-douze : «Le règne de Dieu est tout proche de vous.» (v.9).

En fait, c'est en reliant ces deux versets (3 et 9) que nous pouvons comprendre que nous ne sommes plus envoyés comme agneaux à l'abattoir (même si nous annonçons le Christ au prix du sang et dans le mystère de la Croix) ; mais nous sommes envoyés comme agneaux prémices de ces cieux nouveaux et de cette terre nouvelle (Ap 21,1). Dans l'ancien monde vaincu par la force de la résurrection (Jn 16,33), il sera possible que le loup demeurasse avec l'agneau (Is 11,6) ... N'en déplaise à Monsieur Jean de la Fontaine : la raison du plus fort ne sera pas toujours la meilleure, c'est là notre espérance et c'est pourquoi nous y allons.
«Allez ! Je vous envoie !»

Sr Nathalie, communauté de Mechref, Liban, 18 octobre 2014