>>> Aventure intérieure> Paroles humaines, Parole de Dieu > La miséricorde dans l’évangile selon st Luc > 02

 

 

 

© V. Depériers

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

02 La pécheresse pénitente: Lc 7, 36-50

Lectio divina, une lecture priante de la Parole de Dieu
par Carmel St Joseph, Paris

 

Luc fait le récit d’un événement qui donne lieu à un enseignement. L’événement : Lors d’un repas où Jésus est l’invité d’honneur, une femme vient bousculer la bienséance ; Tout le monde la laisse faire mais n’en pense pas moins.

Jésus saisit l’occasion de cet incident pour raconter une parabole. Reprenant la conception commune de la relation de l’homme à Dieu comme celle d’un débiteur envers son créancier, Jésus fait éclater l’image en montrant que la dette est insolvable. Le créancier fait alors un geste fou et totalement gratuit en remettant la dette, ce qui amène la question de Jésus à Simon : « Lequel des deux l'aimera davantage ? » (v42). Il déplace légèrement ce qui fait problème, la dette, pour resituer son auditoire sur le don, comme si Dieu s’intéressait moins à ce que l’on lui doit qu’à ce que qu’on lui donne.

« Je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c'est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. » (v47). La première phrase laisse entendre que la cause du pardon serait l’amour que la femme a su montrer. Or le pardon ne se mérite pas. Le créancier de la parabole ne remet pas la dette aux débiteurs parce que ceux-ci auraient fait telle chose ou telle autre mais bien par gratuité. Si cette femme a su montrer beaucoup d’amour, c’est parce qu’elle a su d’abord se laisser aimer. L’accueil du pardon nécessite l’ouverture du cœur. L’amour que montre la femme devient come une confirmation du pardon qu’elle a accueilli.

La parole adressée à Simon sonne comme un avertissement : « Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. » (v47). Son comportement témoigne du peu d’accueil qu’il fait au pardon ; N’accueilant pas, il ne peut faire les gestes de l’hospitalité : « Je suis entré chez toi, et tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas embrassé ; elle, depuis son entrée, elle n'a pas cessé d'embrasser mes pieds. Tu ne m'as pas versé de parfum sur la tête ; elle, elle m'a versé un parfum précieux sur les pieds. » (44-46).

Simon mâchonne en lui-même. Il ne laisse pas voir ce qu’il pense : le mépris qui l’habite, le jugement qu’il porte sur la femme et sur Jésus : « En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. »(v39). Simon, ainsi que les autres invités, sauvegardent les apparences. Tout au contraire, la femme ne craint pas de s’exposer aux regards des autres, ayant perdu l’essentiel, sa réputation. On ne sait pas ce qui a provoqué chez cette femme un tel geste. Pleure-t-elle de repentir ou de reconnaissance ? Dans tous les cas, l’émotion est si forte qu’elle en a le cœur déchiré. Comme la veuve de Naïm, elle se laisse rejoindre au lieu des larmes par la miséricorde de Dieu.

Jésus se laisse faire par la femme silencieuse, mais dont le geste parle pour elle. Dans un premier temps, Jésus utilise aussi vis à vis d’elle le langage corporel : «Il se tourna vers la femme, en disant à Simon » (v44). Il ne s’adresse à elle que sur la fin du récit comme pour lui confirmer par la parole ce qu’elle a déjà pressenti : « Tes péchés sont pardonnés. » (v48). Elle a reconnu qu’elle était aimée de Dieu inconditionnellement. C’est sa foi en la miséricorde de Dieu qui la sauve et lui donne la paix (v50) ; cette paix qui signe le venue du Règne de Dieu.

En face Simon aussi est silencieux, mais mutique. Jésus ne cesse de l’inviter au dialogue, à cheminer à travers la Parole, à s’ouvrir à l’autre, à ne pas rester dans une relation duelle à Dieu, médiatisée par la Loi, mais à entrer dans une relation trinitaire à Dieu, médiatisée par l’autre humain : « Tu vois cette femme ? » (v44). Jésus invite Simon à voir cette femme comme elle est aimée de Dieu. C’est la femme qui témoigne de la miséricorde de Dieu. En acceptant de lever les yeux, de donner du poids à cette femme qui, jusque là, il méprisait, non seulement, Simon s’ouvre à un regard de fraternité, mais plus encore par ce regard, il peut lui-même faire l’expérience de la miséricorde de Dieu, en laissant la possibilité à Dieu de lui donner du poids, de l’aimer, comme il dit au livre d’Isaïe (43,4) : « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime. »

Le texte ne nous raconte pas la fin de l’histoire : nous ne savons pas comment Simon a réagit. Si l’évangéliste raconte cet épisode sans conclusion, c’est que l’invitation du Christ à entrer dans l’expérience de la miséricorde de Dieu retentit autant pour Simon que pour tout écoutant de la Parole. « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime. »

 

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