>>> Aventure intérieure> Paroles humaines, Parole de Dieu > La miséricorde dans l’évangile selon st Luc >14

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

14 L’intendant malhonnête: Lc 16, 1-12

Avec cette parabole, s’ouvre, à nouveau, une série de quatre récits autour du thème de la rétribution. Jésus manie l’ironie en proposant des contre-exemples comme l’intendant malhonnête, le riche dans la parabole de Lazare ou le juge malhonnête au chapitre 18, ou bien en mettant en avant des personnages inattendus comme le Samaritain des dix lépreux au chapitre 17.

Voilà un intendant, accusé de malhonnêteté, renvoyé de son travail. Ce n’est que justice et c’est bien fait pour lui ! Mais alors pourquoi Jésus semble louer son attitude ? Rien chez cet homme ne porte à la louange. Il ne veut pas travailler : « Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gérance ? Travailler la terre ? Je n'ai pas la force. Mendier ? J'aurais honte » (v3). Habitué à un certain niveau de vie, il ne peut se résoudre à retrousser les manches pour se salir les mains. Jusque là, il profitait des fruits du travail sans lever le petit doigt. Les remises, qu’il fait aux débiteurs de son maître, correspondent à ses commissions.

Notre trader contraint de s’adapter à la réalité du marché, décide de spéculer non plus sur les marchandises, mais sur les relations. Et Jésus semble abonder dans son sens : « Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l'Argent trompeur, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. » (v9). Jésus ne loue pas chez cet homme son injustice ou sa paresse, mais son habileté qui consiste à décompter ses commissions : « 'Combien dois-tu à mon maître ? - Cent barils d'huile.' … écris cinquante.'… 'Et toi, combien dois-tu ? - Cent sacs de blé.' '… écris quatre-vingts.' » (v5-7). En faisant ainsi, l’intendant est non seulement habile mais aussi rusé. En effet, son maître ne pourra revenir sur les remises accordées sous peine de se voir accuser d’avarice, ni mettre sa menace de renvoyer l’intendant à exécution sous peine de faire scandale en renvoyant un homme aussi généreux.

A l’image de cet intendant, nous sommes invités à supprimer nos commissions, à entrer dans une certaine frugalité et à nous ouvrir à la gratuité dans nos relations avec autrui. Tout disciple avisé est appelé à comprendre qu’il n’a rien à perdre mais tout à gagner en remettant sa dette à son frère, débiteur comme lui. Car, qui nous accueillera dans les tentes éternelles ? Non pas tant les saints, que les pécheurs, ceux à qui nous auront su pardonner. La miséricorde est la règle d’échange dans le Royaume. Elle est notre bien véritable (v11). Paola Brunetti, dans le cantique des innocents de Donna Leon, explique à son commissaire de mari que « nous ne devrions pas considérer le fait de faire toujours le bien autour de nous comme un impératif moral, mais plus en fonction de ce qui se passerait si nous ne le faisions pas. Si nous voulons que les gens nous paient de retour en même monnaie, la charité est alors un investissement intelligent. »

Mettre des limites à la miséricorde, c’est se piéger soi-même et passer à côté de la justice, au sens d’être juste, ajusté au projet de Dieu. « Celui qui est fidèle en très peu de chose est fidèle aussi en beaucoup » (v10). La fidélité dans les petites choses, c’est-à-dire les affaires d’argent, prend le visage de la droiture. La fidélité dans les grandes choses, c’est-à-dire les affaires du Royaume, prend le visage de la miséricorde. Etre droit, ici-bas, c’est-à-dire sans mensonge sur moi-même, savoir se reconnaître pécheur, conduit à rechercher la justice, qui dépassant l’équité aboutit dans le Royaume à la miséricorde. Ce que l’autre me doit a de peu de valeur face à ce que je lui dois. Nos comptes et nos petits calculs ont peu de poids face à la valeur que l’être humain a aux yeux de Dieu.

 

© Copyright Carmélites de Saint Joseph - Contactez-nous