>>> Aventure intérieure> Paroles humaines, Parole de Dieu > La miséricorde dans l’évangile selon st Luc >17

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

17 Le juge malhonnête: Lc 18, 1-8

La parabole du juge malhonnête est encadrée par deux paroles de Jésus qui lui donnent son sens. Dans la parole d’ouverture (v1), Jésus énonce d’avance la leçon de la parabole qui va suivre, d’abord de manière positive : « il faut toujours prier », puis de manière négative : « sans se décourager ». Dans la parole conclusive (v 6-8), on retrouve ce même balancement mais inversé. Au verset 7, l’idée est développée de manière négative : « Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Est-ce qu'il les fait attendre ? » ; puis de façon positive au verset 8 : « sans tarder, il leur fera justice.» La même ironie est employée que dans les trois textes précédents.

Comme pour la parabole de l’intendant malhonnête, Jésus s’appuie sur l’attitude de quelqu’un de peu recommandable : un juge sans justice. Et cela est souligné par deux fois, en ouverture de chaque partie de la parabole (v2.4). Dans la première partie (v2-3), le juge se refuse à faire ce pour quoi il est fait : rendre justice. Dans la deuxième partie (v4-5), il finit par y consentir non par souci de justice mais par lassitude : Pour que cette femme « ne vienne plus sans cesse me casser la tête »(v5).

Mais si l’intendant malhonnête servait à Jésus de contre-point pour inviter les disciples à une attitude juste, ici, le juge sans justice lui sert de contre-point pour souligner l’attitude de Dieu. Si le juge est appelé à rendre justice, Dieu, lui, fait justice. La nuance est subtile mais importante. Rendre justice est le fait d’un magistrat qui applique la loi. Faire justice est au-delà des lois. Il y a une notion de vengeance, de redressement des torts. Appliquer à Dieu, faire justice, c’est aller vers une justice de miséricorde, une justice qui jaillit de la pitié : « J’ai vu la misère de mon peuple…J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs » (Ex 3,7).

Le silence de Dieu nous assiège, nous agresse en certaines circonstances. Pourquoi faut-il que la prière se transforme en cri pour qu’elle soit exaucé ? Pourquoi cette usure du temps ? La foi du disciple se heurte à ce mystère du temps qui s’étire à l’infini. « Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » (v8). C’est donc une parole d’encouragement que le Seigneur nous adresse. Malgré les apparences, n’en doutez pas, sans tarder, soudainement, Dieu leur fera justice. Cela ne saurait manquer.

« Est-ce qu'il les fait attendre ? » « Il tardera envers eux ? » (v7). Les traductions françaises laissent entendre que Dieu traîne les pieds, se fait prier comme le juge sans justice. Alors que dans le Grec et l’Araméen, Dieu est plein de patience envers les humains. La justice de Dieu ne peut être aveugle. Il ne s’agit pas d’exterminer l’oppresseur au bénéfice de l’opprimé. Dans sa patience, dans sa miséricorde, Dieu cherche à relever les deux. Le salut est pour tous, il se fera tous ensemble ou pas du tout.

« Dieu n’exécutera-t-il pas la vengeance de ses élus criant vers lui jour et nuit, et ayant patience envers eux ? »(v7). Le mot pour dire « avoir patience » en Araméen a deux sens : d’une part faire preuve de longaniminité et d’autre part faire un prêt/mettre en location. On peut donc comprendre que Dieu exécutera la vengeance de ses élus en étant large/ en faisant un prêt de son Esprit. La participation mystique à l’Esprit du Très-Haut est la grande œuvre de sa miséricorde envers les humains. Le don de l’Esprit Saint est ce qui rend possible l’attente du Fils de l’homme, avec la même opiniâtreté que la veuve de la parabole. C’est dans la largeur de cet Esprit, que le disciple peut être établi dans la non-violence absolue où se réalise le souverain jugement de Dieu sur le monde. Saurons-nous au fil du temps entrer dans ce silence de Dieu, dans sa patience, dans sa passion où justice et miséricorde se rejoignent ?

 

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