>>> Aventure intérieure> Paroles humaines, Parole de Dieu > La miséricorde dans l’évangile selon st Luc > 01

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

01 La veuve de Naïm: Lc 7, 11-17

Lectio divina, une lecture priante de la Parole de Dieu
par Carmel St Joseph, Paris

 

Le récit de la veuve de Naïm nous donne à contempler la toute puissance de la Miséricorde de Dieu que même la mort n’arrête pas et la totale gratuité d’un amour sans condition.

Deux foules se rencontrent aux portes de la ville de Naïm, chacune portant un fils. La foule, entrant dans la ville, porte le Fils Unique, le Vivant, Jésus, dont la mère n’est pas mentionnée. La foule, sortant de la ville, porte un fils unique, mort, dont la mère est veuve. Devant cet événement, Jésus est saisi aux entrailles : « En la voyant, le Seigneur fut saisi de pitié pour elle » (v13).

C’est à elle que Jésus s’adresse d’abord : « Ne pleure pas. » (v13) Comment ne pas pleurer dans une telle situation ? Qu’y-a-t-il de pire pour une mère que de perdre son enfant ; veuve de se retrouver seule et démunie ? « Ne pleure pas. » Jésus ne nie pas la mort. C’est bien la détresse de cette femme qui la saisit aux entrailles, mais il ne peut la laisser là ; il l’entraine déjà au-delà : « Heureux les affligés car ils seront consolés » Mt 5,5. Par sa parole et ses gestes, Jésus proclame « une année de grâce de la part du Seigneur et un jour de vengeance pour notre Dieu, pour consoler les affligés pour leur donner un diadème au lieu de cendres, de l’huile de joie au lieu d’un vêtement de deuil, un manteau de fête au lieu d’un esprit abattu… » (Is 62, 2-3). Jésus introduit la veuve dans la béatitude de ceux qui pleurent et cette veuve, image d’Israël, se laisse rejoindre au lieu des larmes.

Puis Jésus s’adresse au mort : « Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi. » (v14). En Araméen, le texte joue sur un jeu de mot que la traduction rend difficilement. « les porteurs s'arrêtèrent » (v14) ou se tinrent debout ; « Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi. » (v14) ou tiens-toi debout ; « Un grand prophète s'est levé parmi nous » (v16) ou s’est tenu debout. Ainsi par trois fois, en filigrane retentit l’annonce du matin de pâques : « le Seigneur s’est relevé ! » La miséricorde, loin de tout contexte de péché, dit d’abord, ici, comme la continuité d’un amour indéfectible : de la même manière que Dieu fit surgir du néant à l’être, les humains, il ne cesse de les faire surgir de la mort à la vie.

L’événement se situe aux portes de la ville. La porte est lieu de passage : passage de la mort à la vie, passage des larmes à la louange, passage de la division à l’unité, passage du silence à la parole. La parole de Jésus déclenche en cascade celle du fils (v15) qui entraine celle de la foule (v16) « et cette parole se répandit dans toute la Judée et dans les pays voisins » (v17). L’acte de miséricorde de Jésus envers la veuve devient une annonce de salut pour toute l’humanité, symbolisée par les deux foules qui, se rencontrant, forment à la fin du récit un seul peuple, entrant dans la ville en louant Dieu : « La crainte s'empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu : « Un grand prophète s'est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. » (v16).

Nous sommes tous un peu des veuves à différents niveaux dans notre vie. La veuve est physiquement seule et amputée, économiquement pauvre et démunie. Des parts en nous sont ainsi. Il n’y a pas de mot en Français pour désigner un père ou une mère qui a perdu son enfant. Dans la langue c’est un non-dit, un non-désigné. Il y a aussi en nous du non-dit, du non-désigné. Perdre son enfant c’est perdre sa descendance, perdre un prolongement de soi, voire une projection de soi. Au long de notre vie, nous faisons cette expérience de perte, de deuil de ce que nous pouvons appeler symboliquement nos enfants.

A travers le récit de la veuve de Naïm, nous pouvons reconnaître qu’au cœur même de nos expériences de pauvreté radicale, au lieu même des larmes, nous pouvons être rejoint par Dieu, si nous laissons notre porte ouverte. Beaucoup de choses peuvent fermer la porte et ce parcours dans l’Evangile selon St Luc va nous en pointer quelques unes.

Mais si malgrè tout, nous laissons le Verbe se tenir debout en nous, pour qu’il nous rende à la vie, pour qu’il nous rende vivants les uns aux autres, pour qu’il nous constitue en peuple de vivants, alors nous ferons l’expérience de la Miséricorde de Dieu ; nous apprendrons à nous laisser regarder avec miséricorde quand nous sommes aux prises avec ces fermetures de porte et nous apprendrons à regarder la sœur, le frère avec miséricorde quand il nous claque sa porte au nez.

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