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Discrète Résurrection

Sr Adeline Marc, Carmélite de St Joseph.

Matthieu 28,11-17

28 11 Tandis que les femmes s’en allaient porter la nouvelle aux disciples, quelques hommes de la garde vinrent en ville rapporter aux grands prêtres tout ce qui s’était passé. 12 Les grands prêtres se réunirent alors avec les anciens et après avoir délibéré, ils donnèrent une forte somme d’argent aux soldats, 13 avec cette consigne : « Vous direz ceci : "Ses disciples sont venus de nuit et l’ont dérobé tandis que nous dormions." 14 Si l’affaire vient aux oreilles du gouverneur, nous nous chargeons de l’amadouer et de vous épargner tout ennui. » 15 Les soldats, ayant pris l’argent, exécutèrent la consigne, et cette histoire s’est colportée parmi les Juifs jusqu’à ce jour.

16 Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait donné rendez-vous. 17 Et quand ils le virent, ils se prosternèrent ; certains cependant doutèrent.

Matthieu est le seul évangéliste à rapporter cette petite histoire avec les grands prêtres. Elle fait suite aux précautions déjà mentionnées, juste après la mise au tombeau : grands prêtres et pharisiens, pour une fois d’accord, s’assurent de la garde du tombeau de peur que les disciples de Jésus viennent annoncer sa résurrection. Pourquoi Matthieu mentionne-t-il cet épisode ?

Une Résurrection sujette à caution…

Certainement, une autre explication devait courir, à l’époque de Matthieu, sur la disparition du corps de Jésus : les disciples, venus de nuit, ont dérobé le corps de Jésus. C’est une explication quelque peu sévère pour la garde de soldats car cela suppose qu’ils dormaient plutôt que d’assurer la garde… Mais c’est une explication qui se tient parfaitement.

Et c’est bien là que l’on peut entendre quelque peu pourquoi Matthieu prend la peine de raconter cet épisode : l’affirmation de la résurrection ne repose sur aucune preuve. Elle n’est pas constatable ou vérifiable. La seule chose qui apparemment ait été constatée par tous, grands prêtres comme disciples de Jésus, c’est que le corps de Jésus a disparu. Ce que cela signifie pour les uns et les autres est une autre histoire, une question d’interprétation ou d’expérience.

Résurrection et doutes

Mais Matthieu semble aller plus loin encore et enfoncer le clou car même à la vue de Jésus, nous dit-il, certains disciples doutèrent. Passe encore que l’on ait des doutes alors qu’on n’a pas constaté de ses yeux son retour d’entre les morts, comme Thomas dans l’évangile de Jean, ou plutôt comme beaucoup de nous aujourd’hui. Passe encore que Jésus ne soit pas reconnu, comme Marie-Madeleine au jardin. Mais douter en voyant Jésus ressuscité, après avoir suivi sa parole invitant à un rendez-vous post-mortem, voilà qui est étrange !

Etrange en effet, mais peut-être aussi lourd de sens… La résurrection, en effet, ne se donne pas comme une évidence. C’est le moins que l’on puisse dire. Elle est et demeure discrète. Ce n’est certainement pas un hasard, d’ailleurs, si aucun des évangélistes ne la raconte : personne n’en a été témoin. C’est dans la discrétion qu’elle se donne à voir, ou plutôt à discerner.

Un Ressuscité difficilement reconnaissable

Cela contredit peut-être nos images inconscientes, quelque peu flamboyantes, de l’événement. La lecture des évangiles nous apprend au contraire que ni la résurrection ni même le Ressuscité rencontré ne se donnent comme des évidences : ils se font discrets.

Chez Matthieu comme chez les autres évangélistes, le Ressuscité se laisse difficilement reconnaître. Il y faut un certain temps : pour les disciples d’Emmaüs, pour Marie-Madeleine, pour les disciples au bord du lac, Jésus ne se laisse pas distinguer d’un autre homme. Est-ce à dire que le Ressuscité s’identifie à tout homme ? Peut-être… et c’est alors sur le visage de ceux que nous côtoyons que nous sommes invités à discerner sa trace, comme si ce qui était arrivé à Jésus atteignait par-delà temps et espace toute humanité.

Discrète Résurrection dans nos vies

Discrète résurrection donc, discrétion du Ressuscité qui nous renvoie aussi aux forces de résurrection travaillant nos vies : où les cherchons-nous ? N’est-ce pas souvent dans l’éclat plutôt que dans les discrètes résurrections du quotidien ? La Résurrection nous dit que la vie est plus forte que la mort, que par-delà les apparences, elle a le dernier mot mais cette force-là, justement, demeure discrète. Il faut peut-être alors exercer les yeux, le cœur et la délicate attention pour en entrevoir le jour dans nos vies.

La Résurrection, une espérance collective

Dans la vie du monde également, le Ressuscité, discrètement, passe. L’événement pascal, en effet, s’il touche chacun dans sa chair et son individualité, touche avant tout l’humanité entière. La Résurrection est à l’œuvre dans le monde, depuis que le Christ est ressuscité. Mais nous l’attendons encore et les premiers chrétiens lorsqu’ils envisageaient l’événement ne s’y trompaient pas : il s’agissait bien d’une espérance collective et non d’abord d’une espérance portant pour chacun sur son après-mort.

La Résurrection finale que nous attendons, commencée dans le Ressuscité par qui elle a touché déjà l’histoire de notre monde, est un événement collectif qui nous touche, chacun, mais qui nous touche d’abord dans le lien que nous avons les uns aux autres, dans ce qui nous porte ensemble, et ensemble dans la création.

Et si la Résurrection de Jésus nous dit que le juste ne meurt pas en vain, abandonné de Dieu, alors elle nous met aussi debout dans l’espérance de la justice pour ce monde.

Que notre cœur puisse s’élargir à cette dimension collective de la Résurrection, dans l’attention encore aux passages discrets du Ressuscité au cœur de la vie des hommes entre eux.

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