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Mort d’homme

« Je voudrais m’adresser à la famille MacPhail. Je voudrais que vous sachiez que je ne suis pas celui qui a tué votre fils, votre père, votre frère. Je suis innocent. L’incident qui est arrivé cette nuit-là n’est pas ma faute. Je n’avais pas d’arme. Tout ce que je demande… c’est que vous regardiez plus profondément dans le dossier, pour que vous puissiez finalement voir la vérité. Je demande à ma famille et à mes amis de continuer ce combat. Pour ceux qui s’apprêtent à prendre ma vie, que Dieu ait pitié de vos âmes. Et que Dieu bénisse vos âmes. »

ActuDepuis 20 ans, Troy Davis n’a cessé de clamer son innocence dans l’affaire du meurtre dont il était accusé. Il a prié, invoqué la magnanimité, le pardon, la repentance, pour un crime qui n’était probablement pas le sien… puis il a été exécuté dans les règles de cet art morbide qu’est la peine capitale en Georgie.
Oui, Troy s’est éteint mercredi à 23h08 heure locale (5h08 en France) ; personne n’entendra plus ses appels à l’aide et ses cris d’effroi ; sa lutte pour la justice et la vérité, il la confie à sa famille et ses amis… Dans une dernière lettre écrite mercredi avant son exécution, Troy écrivait : « Il y a tant d’autres Troy Davis. Le combat pour abolir la peine de mort ne sera pas gagné ou perdu à travers moi, mais à travers notre force à avancer et à sauver chaque personne innocente emprisonnée à travers le monde. »

Le même jour, d’autres exécutions ont eu lieu à travers le monde : au Texas, en Iran - dont un jeune de 17 ans -, en Arabie saoudite, en Chine… pour une affaire fortement médiatisée, combien passent inaperçues ? Justice a été rendue ; maintenant une famille pense pouvoir commencer son deuil. Pour elle, il n’était nullement question de pardon, mais bien de justice, même au prix d’une l’injustice ! Troy, injustement condamné à mort, victime de la haine d’une famille, a quitté cette terre avec une parole posée en vérité et offrant le pardon à ceux qui lui ôtaient la vie. Troy, un homme condamné à la place d’un autre, un homme libre de toute culpabilité, profondément paisible et étonnamment debout… face à un système impitoyable, la haine et une soif de vengeance meurtrière.

Je ne cesse de me demander comment la famille du policier va pouvoir vivre, maintenant, avec l’affirmation de Troy qu’il n’est pas celui qui a tué leur fils, leur père, leur frère. Comment peut-elle se reconstruire sur fond de haine et d’incompréhension ? Quel sera son retour à la réalité et pourra-t-elle l’assumer, quand la vérité se dressera devant elle ? Je me demande aussi quelles sont, quotidiennement, mes connivences avec ces mises à mort, avec ce désir de justice, ces incompréhensions ? Peut-être aussi m’est-il possible de reconnaître ma capacité à pardonner, à donner vie, à permettre à la vie de grandir, de se développer, de s’épanouir ?

Sur la croix, condamné à mort entre deux brigands, deux terroristes, injustement Mort d'hommecondamné, victime d’une erreur judiciaire, Jésus prie : « Père, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Etrange ressemblance. Il est donc possible de pardonner à ses bourreaux ; Jésus l’a fait, puis Etienne, Troy et tant d’autres…
Chacun, à sa façon, au moment où il a été mis à mort, a choisi de rendre le bien pour le mal ; il donne gratuitement, librement la possibilité de vivre à ceux qui lui donnent la mort…
« L’homme qui pardonne ressemble à Jésus et rend Dieu présent » dit Gérard Bessière. Selon les mots de Didier Rimaud, Dieu n’est pas partout, sauf où l’on meurt… Troy témoigne d’un Dieu particulièrement présent là où meurt un innocent !
Sr Florence, Carmélite de St Joseph , 1er octobre 2011

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