Pardon, Espérance et Libération
(Essai d’un partage à deux voies)
- Dès le début de son Pontificat, face à la difficile et délicate question des abus sexuels par des hommes d’Église, Benoît XVI a demandé une purification intérieure et une conversion de toute l’Institution, et il n’a eu de cesse de mettre au jour les scandales, enquêtant au cas par cas, demandant que la vérité soit faite.
L’Eglise vient d’avoir une rencontre importante d’études sur les abus sexuels (février 2012). Elle a organisé, à cette occasion, une célébration pénitentielle où se sont retrouvés des responsables d’Eglise et des victimes.
- Par cette célébration de pénitence, elle ose, aujourd’hui, un geste symbolique fort, en tant qu’Institution faite d’hommes. Et comme tout acte symbolique, il pourrait paraître écrasant, voire hypocrite pour tous ceux qui ont souffert sans avoir été entendus, sans avoir pu parler, sans avoir pu se défendre. Il me semble, pourtant qu’en plaçant le pardon entre les victimes et leurs bourreaux, notre Église joue le rôle du tiers libérant, libérateur et protecteur, de l’espace (sens du mot Ruah en Genèse, chapitre 32,17) où pourra souffler l’Esprit de consolation. « Le Seigneur essuiera toute larme de leurs yeux » (Is 25,8 ; Ap 21,4).
Temps de rencontre, temps de silence, temps de parole avec les victimes pour qu’il y ait pardon possible, pardon vécu vers une libération des cœurs et des corps… Espérance du pardon pour se remettre debout…
- Pourquoi un Institution demande-t-elle pardon à Dieu, au nom d’hommes pécheurs ? D’abord, parce qu’elle se reconnaît « solidaire » dans le mal commis. Il nous faut bien entendre, ici, le combat assumé de celle qui est appelée à la sainteté, avec en son sein des hommes « au cœur malade et compliqué » (Jr 17,9). Elle demande aussi pardon aux victimes parce qu’elle prend au sérieux leurs souffrances et leurs angoisses et elle pense que, dans cette reconnaissance du mal subi, il peut y avoir une reconstruction possible. Et enfin, par cet acte posé, elle se pose en arbitre de réconciliation pour qu’à l’exemple d’un Christian de Chergé, chaque ennemi puisse « s’il plaît à Dieu plonger son regard dans celui du Père pour contempler avec Lui [tous] ses enfants […] tels qu’Il les voit».
Cette célébration me marque, parce qu’il y a une belle audace de l’Eglise à venir demander pardon pour ces actes, pour des silences en cherchant la vérité et pour empêcher que cela se reproduise, face à notre société d’aujourd’hui.
- Le pardon n’est pas magique, pas immédiat, il est un long, difficile et exigeant chemin que devront emprunter victimes et bourreaux. Il y aura sans doute encore des chutes, des failles et d’affreux scandales. Mais, en cassant le silence morbide et la dissimulation d’un lien pervers, notre Église ose un chemin de funambule sur la corde de la miséricorde tenant à chaque extrémité de son balancier et la victime et le bourreau. Tous doivent arriver « saints » et saufs de l’autre côté de la rive et c’est l’Église elle-même qui en est l’envoyée et la garante. « Tout ce que vous liez sur la terre est lié aux cieux ; tout ce que vous déliez sur la terre est délié dans les cieux. » (Mt 18,18).
La société nous interpelle souvent sur ces faits. Cette démarche montre que l’Eglise est consciente de ce qui se passe et désire amorcer un réel chemin de réflexion et de vérité. Elle cherche à comprendre et corriger dans une réflexion évangélique. L’Eglise n’accuse pas, elle se met devant sa responsabilité de manière évangélique et responsable.
- Il me semble que par ce geste pénitentiel qui est un geste prophétique, l’Église interpelle notre société. On n’imagine pas d’autres institutions poser un acte de pardon. Seule la justice des hommes (le tribunal) est sollicitée pour défendre ou punir. Le jugement des hommes est un premier pas, mais l’évangile appelle les croyants beaucoup plus loin, parce qu’il les appelle à vivre réconciliés : « Va d’abord te réconcilier avec ton frère. […] Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire, tant que tu es encore en chemin avec lui […] » (Mt 5,24-25).
L’Eglise désire être proche de chacun et faire une telle démarche avec les victimes, montre un réel désir de reconstruction mutuelle et permettre de dire que la vérité est plus forte que le mensonge, le non-dit. La vérité conduit à la vie.
Le Pardon est ce chemin véritable vers la Vie que le Christ offre à chacun. Et c’est une route de chaque jour qui nous ouvre à se laisser toucher par la lumière vivifiante pour ouvrir les mains au pardon offert et à donner.
« Père, pardonnes-nous, comme nous pardonnons »
- J’aime beaucoup les représentations des Vierges de miséricorde. On y voit Marie enveloppant dans son manteau, la foule des pécheurs. Pour moi, cette démarche de l’Église Catholique, ressemble à ce geste. Le pardon prend tous les hommes ensemble, il ne sépare pas le mal subi du mal commis, il enveloppe chaque personne de douceur et de miséricorde pour en faire une communauté de frères. Et si, nous-mêmes, individuellement nous ne pouvons pas pardonner, parce que c’est humainement impossible, cette charge revient à notre Église pour qu’aucun des enfants du Père ne se perde.
« Père pardonnes-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font »
Sr Dominique R, C.S.J. St Martin Belle Roche, 1ermars 2012
Sr Nathalie OSLG, C.S.J. St Guilhem-Le-Désert, 17 mars 2012