>>> Accueil > L'actualité me parle... >Conflits d’intérêts

 

 

 

 

 

 

 

P. Georges Vandenbeusch

 

Conflits d’intérêts

« L’un est pris, l’autre laissé ; celui qui cherchera à conserver sa vie la perdra et qui la perdra la sauvera. » cf Lc 26, 33ss

Les guerres se succèdent, conventionnelles ou non ; leurs modalités évoluent… Celle qui nous oppose au terrorisme nous apparaît beaucoup plus complexe qu’une guerre conventionnelle d’antan avec affrontement au corps à corps. Le terrorisme frappe soudainement, n’importe qui, n’importe où. C’est ainsi que se succèdent les attentats et les enlèvements, souvent contre rançons.

Récemment, après s’en être pris à des religieuses pour obtenir de l’argent qu’elles ne possédaient pas, un groupe de terroristes s’en est pris à un prêtre, Georges Vandenbeusch; ce dernier a probablement été emmené au Nigéria. Comme le rappelle internet afrik.com, citant des informations « de la présidence camerounaise », le groupe terroriste Boko Haram, traqué par l’armée nigériane, « est responsable de la mort d’au moins 3 600 personnes » depuis 2009. C’est ce groupe qui s’en était pris récemment à une famille. Ce même groupe serait à l’origine de l’enlèvement du père Georges.
D’après les témoignages, le père Georges n’était ni un casse-cou, ni un imprudent. Il s’estimait tellement gâté dans sa paroisse à Sceau, qu’il a souhaité mettre son élan missionnaire au service d’une population beaucoup moins privilégiée que celle qu’il côtoyait dans la région parisienne ; il s’est embarqué pour le Cameroun où il cherchait à aider les quelques 10 000 réfugiés nigérians. S’il avait choisi de rester malgré les recommandations, c’est bien que le père Georges se savait très utile et que son retrait – sa mise à l’abri – même momentané, lui était inconcevable. Il souhaitait être prudent et ne pas prendre de risque inconsidéré… Mais, voilà, un beau jour ou plutôt, une sombre nuit, il a été embarqué. Il connaissait les risques et a pris une option refusant de laisser « son peuple ». Se faisant, il prenait le risque de le laisser… définitivement ! Passant outre les recommandations des hommes politiques, il se retrouve maintenant au cœur de recherches et de négociations.
A propos de cet événement, j’ai entendu diverses réflexions ; certaines visaient l’imprudence du prêtre qui avait décidé de rester dans ce lieu de mission malgré les risques encourus. D’autres disaient que ce choix était assez naturel et normal du fait de sa foi chrétienne et de sa vie donnée dans la mission confiée. Est-ce si simple ? Saint Paul s’était posée la question déjà, sur ce qui était préférable, partir rejoindre le Seigneur ou rester au service de la communauté. Il avait répondu en fonction de la communauté et non de lui ; continuer à annoncer la Bonne Nouvelle et construire la communauté chrétienne avaient été ses priorités…
Certes, c’est un religieux à la vie donnée, mais il est aussi un ressortissant français dont les politiques ne peuvent se désintéresser. Les conséquences de son choix engagent ses proches, mais aussi un gouvernement. Jusqu’où pouvons-nous risquer notre vie sachant que nous ne sommes pas seuls engagés dans nos choix ? Jusqu'où risquer sa vie sachant que par voie de conséquence celle de ses sauveteurs est mise en jeu ? C’est bien difficile d’y répondre, au-moins dans l’absolu. Charge à chacun de l’incarner dans son histoire, dans sa vie, selon ce qu’il comprend de l’Esprit et des hommes qui lui sont proches. Le père Georges semble y avoir répondu à sa façon… Peut être est-ce à chacun de mesurer les limites et les risques qu’il peut assumer. A mon sens, c’est là qu’entre en ligne de compte la force de la foi. « Pour les hommes, c’est impossible, mais à Dieu, tout est possible » (Mt 19, 26). Fondant notre vie sur cette confiance radicale et indéfectible en la présence de Dieu en tout ce que nous vivons, je comprends que nous puissions nous engager complètement dans la mission malgré les risques encourus et ce, personnellement et communautairement… à condition de communier ensemble à cette même foi ! Puis-je engager dans ce risque ceux dont je dépends, familialement, politiquement et qui ne partage pas ma foi ?

Sr Florence, csj St Martin Belle Roche Le 1er décembre 2013

© Copyright Carmélites de Saint Joseph - Contactez-nous