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AVATAR, une iliade des temps modernes

Film du cinéaste James Cameron

AVATAR, c’est à la fois une formidable épopée allégorique du XXIème siècle, un conte philosophique écologique, un récit romanesque atemporel…

Quand technologie et quête de sens se rencontrent

Le 16 décembre 2009 est sortie le nouveau film du cinéaste James Cameron qui fera sans doute date dans la mémoire de ceux qui l’ont vu. Tout d’abord, du fait de cet exploit technologique, l’image de synthèse, cette fameuse motion capture : on la retrouve dans Le Seigneur des anneaux et elle permet de conserver dans l'image, l'émotion de l'acteur. Pour la première fois, l'image de synthèse est vivante : Neytiri et l'avatar de Jake – nos deux héros –
deviennent de fait des hybrides très troublants. A l’image de Jake qui s’interroge sur son appartenance au monde des humains ou au monde des Na’vis, nous avons bientôt des difficultés à faire la différence entre virtuel, réel et animation. L’alchimie prend : avec une émotion authentique, nous nous sentons happés par l’histoire et l’aventure de ces héros. En fait, avec AVATAR, le spectateur se retrouve être également embarqué comme acteur. Magie spectaculaire de la 3D, une jungle luxuriante se déploie avec des aspects aquatiques presque sous-marins par endroits, ses montagnes en apesanteur et ses créatures volantes envahissent la salle de cinéma. La superbe Neytiri, confondante de grâce et de charme, pour laquelle on deviendrait volontiers le Lévi-Strauss de ces Na'vis : ils ont tant à nous apprendre non seulement sur le lien entre « humanité » et nature, voire création, mais également sur ce qu’est être un «Adama». Epoustouflant scénario : il mêle l'économique, l'écologique et l'ethnologique à l'épique, transforme le tout en une formidable Iliade des temps modernes.

Fiction ou parabole politique ?

Dans le cas d'AVATAR, nous sommes en 2154, la Terre n'a plus d'énergie et le minerai-miracle est niché sur Pandora, sous les racines de l'arbre-maison géant, divinité protectrice aux entrailles habitées par les Na'vis bleus, elfes aborigènes hauts de 3 mètres et redoutables guerriers. "Ils incarnent la meilleure part de nous-mêmes, un lien intact gardé avec la nature" affirmera Cameron. Face à cette nature paradisiaque, luminescente, peuplée de créatures fantastiques - loups-vipères, chevaux à six jambes, banshees volantes -, le complexe militaro--industriel n'a qu'une idée : l'exploiter, quitte à qualifier de "terroristes" ses habitants. Si le chef de guerre américain, le colonel Quaritch, reprend au mot près des propos de Bush, est-ce un hasard ? Cameron a avoué s'être inspiré de l'Irak, mais aussi de populations gênantes déplacées de force sur notre planète.

Quand s’annonce la fin d’un monde : étonnement et nouveauté…

En effet, AVATAR est le plus saisissant par l’avalanche de questions existentielles qu’il met sur la table. Que deviendra l’humanité demain, où sera l’homme dans quelques siècles ? A-t-il même quelques siècles encore à durer sur cette terre, ou même ailleurs ? Quel sens a son histoire si elle n’est qu’une répétition d’erreurs passées, la recherche d’un assouvissement des convoitises présentes, le désir d’accumuler une puissance, un pouvoir potentiel ? Que doit faire l’humain du XXIème siècle pour sauver son humanité ? Si AVATAR ne donne pas de réponses à ces questions, il les suscite. AVATAR nous fait plonger dans un monde à la fois onirique et symbolique, dans une sorte d’épopée en 3D, puissamment romanesque, où se joue l’avenir d’une planète, d’un peuple et en, filigrane, de
l’humanité. Visuellement, c’est une immersion dans une abondance d’images somptueuses, gorgées de mythes, de références politiques et de sensualité. Anthropologiquement, c’est une sorte de plongée en apnée dans un autre monde avec ce même décalage qui fut peut-être celui de Christophe Colomb lorsqu’il posa le pied sur la terre du Nouveau Monde en 1492.

Histoire d’amour, de guerre, de choix

AVATAR nous fait basculer dans un monde nouveau. Pour y entrer, nous suivons Jake Sully, ex-marine tétraplégique (un guerrier qui n’a plus l’usage de ses jambes, pensez-donc !), un peu tête brulée, un soupçon vilain petit canard au fond de lui-même, engagé pour la mission scientifique Avatar en remplacement de son frère jumeau, brillant scientifique, mort désormais. Avec lui, nous nous endormons dans un caisson, l'esprit voyage et se réveille dans le corps d'un Na'vi, double conçu génétiquement. Après chaque "voyage", Jake sort du caisson pour être soumis à un double débriefing : les scientifiques attendent son témoignage pour mieux étudier ces « étranges créatures » dont la ressemblance avec les humains est troublante ; les militaires l'utilisent comme espion après lui avoir acheté sa collaboration en échange de nouvelles jambes ! Or, l’apprentissage de Jake pour devenir un Na'vi se transforme en histoire d'amour non seulement avec Neytiri, belle initiatrice aux allures de sylphide, mais aussi avec ce peuple des Na’vis sur cette Terre Nouvelle pleine d’espérance pour une humanité qui se flétrit. En fait, cet apprentissage le transforme et le conduit à des choix à faire. Humain ou Na'vi, il lui faudra choisir. Si le colonel pourrait être sorti directement d'Apocalypse Now, nos deux amoureux refont la scène de la proue du Titanic en chevauchant ces banshees qui slaloment entre les montagnes volantes. Le roman nous tient mais l’aventure de ces vies confrontées aux conséquences de leurs choix, aussi.

Une communion inexplicable dans la vulnérabilité

Ainsi, AVATAR n’est pas seulement un très bon divertissement, mais un film par lequel nous pouvons lire quelques messages écologiques et politiques bien envoyés ; retrouver quelques vérités anthropologiques. L’une d’entre elles mérite d’être reprise ici, en conclusion, à travers cette parole : « Je te vois ». Bien vite nous pourrions conclure à une sorte « d’œil de Caïn », une sorte de regard qui juge. Il n’en est rien. Cette expression utilisée aussi bien par Neytiri que par Jake est là pour dire que l’un voit l’autre dans la profondeur de son être au-delà de ce que les apparences pourraient fausser. Notamment, dans l’un des plus beaux passages du film, lorsque Jake a repris son apparence humaine, donc rendu à son état tétraplégique, Neytiri le sauvera d’une mort certaine... Elle le voit alors, pour la première fois, sous son apparence humaine, mais déclare sans crainte ni horreur à cet étrange créature : « Je te vois, Jake Sully ». Elle le voit effectivement dans la réalité de ce qu’il est : un homme paralysé, fragile, vulnérable mais aussi dans la vérité de leur histoire commune, de leur combat commun et de leur amour. Ils se voient non plus comme une menace l’un pour l’autre, mais dans ce que Lytta Basset nomme « une communion inexplicable dans la vulnérabilité … et c’est comme un accomplissement de tout l’être, la brusque éclosion de ce que l’on a de meilleur au fond de soi… c’est comme si la perception intime d’autrui réveillait le plus intime de soi-même ».

( Sr Dominique Larcade)

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