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De cellule à cellule

Il est étonnant comme parfois dans la vie certains Mystères viennent nous habiter, si profondément, qu’il nous semble redécouvrir à nouveau le chemin avec le Christ. Enfin aujourd’hui c’est mon cas.

Souvent en méditant la passion du Christ, je revoyais cet homme pendu sur le bois de la Croix, innocent, mais j’oubliais les autres hommes à ses côtés, coupables, jugés, laissés là. Comme les passants, je continuais mon chemin, en détournant le regard, et en pensant le cœur en paix que justice avait été rendue.

C’est vrai que certaines de mes amitiés, avec des personnes attendant pour refaire leur vie que le coupable soit sous les verrous, me conduisirent à ne pas m’interroger sur ce lieu qu’on appelait la prison… Aux côtés des victimes, j’avais oublié que de l’autre côté des barreaux il y avait des personnes humaines, mues par des sentiments, des histoires souvent difficiles.

Pourtant le Christ a vécu la fin de sa vie, avec des personnes détenues, condamnées, et lui-même emprunta le même chemin. C’est dire Sa proximité au quotidien avec la réalité des détenus.

Lc 23, 41-43 : « Pour nous, c’est juste : nous recevons ce que nos actes ont mérité ; mais lui n’a rien fait de mal. » Et il disait : «Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi » Jésus lui répondit : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis ».

Cela me conduisit à m’interroger sur ma place en tant que chrétienne dans ce milieu ? Je crois qu’être présence chrétienne au milieu des personnes détenues, ce n’est pas témoigner de la justice, ce n’est pas là notre rôle, mais témoigner de la miséricorde. Pourtant ce n’est pas une position simple, car nous sommes souvent confrontés à notre propre regard sur la justice, à nos questions sur le pourquoi des actes…La miséricorde peut-elle se passer de la justice ?

La notion de miséricorde est rendue en hébreu par le nom singulier de rehem (sein) et le verbe raham (aimer, faire miséricorde). C’est donc de la tendresse, de l’amour… Et la justice en hébreu c’est tsedeqh et tsedaqah, être juste, être vrai, être conforme. Nous sommes bien loin du jugement et du droit. Sans pour autant nier ces deux notions, car les prisonniers eux-mêmes lors des partages bibliques sur la justice y reviennent, notre rôle est juste d’être à leur côté, en vérité avec ce que nous sommes et ce qu’ils veulent bien nous partager. Acceptant du même coup la part de mystère qui entoure leurs actes, leurs silences, leurs émotions et leurs mensonges parfois….Au fil des discussions la confiance se tisse et laisse émerger des questions essentielles, voir même existentielles.

Accueillis par eux, et nous laissant déplacer par leur compréhension de la Parole, nous redécouvrons les fondements du vivre ensemble, du pourquoi de la violence, tous nous percevons les limites de nos comportements et de nos jugements, et certains nous tournent vers un autre avenir. Nous tendons vers l’espérance, jusqu’à ce que les surveillants viennent nous ramener à la dure réalité des horaires.

Au bon larron Jésus n’a pas dit tu es innocent, mais seulement tu seras avec moi pour peu que tu veuilles bien croire….

Une carmélite de Saint Joseph


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