Jean 16,20-23a « La traversée »

« En ce jour-là, vous ne me poserez plus de questions » (v.23).

Les questions sont souvent le lot des inquiets, celles par exemple lancinantes des enfants : « Et pourquoi ci … et pourquoi ça …? », ou angoissantes du psalmiste « Jusques-à-quand Seigneur durera ta colère… ? » (Ps 78,3).
Pourtant, le Seigneur nous parle d’un temps, « en ce jour-là », où l’homme n’aura plus besoin d’interroger.

Ce texte nous parle explicitement de ce passage de cet avant à cet après, transformation qui trouve son fondement dans la passage de Jésus de ce monde à son Père (le contexte du chapitre 16 de l’évangile de Jean). Ce passage par la Croix nous emporte et donne sens à ce que nous vivons. Ainsi, d’un présent qui n’est pas exempt de douleurs et de souffrances (pleurs, lamentations, peine, enfantement), le Seigneur promet à ses disciples un futur consolant (joie, naissance, réjouissance, joie imprenable).

Nos saints du Carmel ont, eux aussi, franchi ce passage de l’inquiétude à la joie de l’intimité au Christ.
Je pense tout d’abord à la prière de l’âme embrasée d’amour de Jean de la Croix. C’est l’exultation finale dans la louange du « Tout est à moi puisque le Christ est à moi » qui succède aux revendications ou questionnement du péché, des œuvres ou de l’obole des trois premières strophes.
De même, Edith partageant par lettre à son ami Roman Ingarden l’expérience de son baptême, comme d’une expérience de Résurrection, décrit cette traversée de l’inquiétude à la sécurité de lumière et de joie. Elle rattache cette perception sensible et spirituelle à une expérience des choses intérieures qui font passer de la superficialité de notre rapport au monde et aux évènements, à la profondeur d’une compréhension nouvelle. « C’était une crise longuement préparée. Je suis comme une personne qui a été en danger de se noyer et qui, bien plus tard, se retrouvant dans une pièce chaude et lumineuse où elle se trouve en parfaite sécurité et entouré d’amour, de soins et de mains secourables, revoit devant elle l’image du sombre et froid tombeau de vagues. Que doit-elle ressentir d’autre qu’effroi et reconnaissance sans borne pour le bras puissant qui l’a saisie miraculeusement et l’a portée en lieu sûr ? » (Lettre du 13 décembre 1925, citée par Cécile Rastoin, Edith Stein (1891-1942), Enquête sur la Source, Cerf, 2008, p.127.)

Cette vie en plénitude de joie, qui nous donnera la paix, n’est pas autre chose que cette communion à la plénitude de vie du Ressuscité, ce qui réclame de notre part adhésion totale de foi et d’amour en Celui qui est déjà passé, pour nous, de la mort à la vie, nous introduisant ainsi dans la joie Trinitaire, nous en elle et elle en nous. Et cette joie, personne ne nous l’enlèvera.

Sr Nathalie, communauté de Mechref, Liban, 15 mai 2015