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Arcabas, Le soleil dans le ventre, Huile sur Arches 600g, 1984

Méditation pour l'Avent :
La lumière, le soleil dans le ventre

Sr Nathalie Le Gac nous propose plusieurs méditations pour l'Avent, à partir d'oeuvres d'art.

"Tu nous as appelés des ténèbres
A ton admirable lumière
Tu as répandu l’Esprit en nos cœurs
Tu nous as donné la liberté des enfants de Dieu."
(André Gouzes, Liturgie de l'Abbaye de Sylvanès, Répons des Laudes B520)

La femme est debout, immobile, dans une attente éveillée de veilleuse ; du sol au ciel. Sa silhouette nue se découpe et se fond par endroits au bleu céruléen. Elle traverse de bas en haut le dégradé du noir de terre au bleu aérien.
Arrêtons-nous, dans l’instant, avec elle.

La lettre alpha noire et opaque, derrière les jambes de la femme, nous met sur le chemin d’un Commencement, d’une Genèse, d’une Nouvelle Histoire.
Au milieu du tableau, qui est aussi le centre de gravité de cette nouvelle Ève, brûle sans se consumer — surgissement d’une Présence inattendue — un soleil dans un ventre. Il arrive, notre soleil de justice.
Et nous comprenons alors que l’immobilité de la femme, son attente, son corps, axe vertical et inflexible, ne sont là que pour que se déploient le mouvement du ciel aux trois bandes horizontales et le rayonnement du soleil transperçant son corps jusqu’à nous, soulevés et éblouis.
La femme le contient, "lui que les cieux ne peuvent contenir", le retient aussi, de ses deux mains posées à plat sur son ventre rond, le possédant sans le posséder. Car voilà, le soleil s’échappe, encore plus brûlant, laissant un contour d’or autour de chacun des doigts maternels. C’est donc qu’il est venu pour tous les hommes, notre soleil de justice.

La puissance de la femme tient à son "agenouillement en Dieu pour devenir, entre ses mains de grâce et de plénitude, la lumière du monde" (Nathalie Nabert, Liturgie intérieure). Et voici que sa marche prend fin, elle ne pérégrine plus dans les obscurités et la nuit de la terre, car il s’est enfin levé, le soleil de justice, "dans ce surgissement de Dieu en [elle] qui nous fait voir la beauté dans la beauté, le lumière, dans la lumière" (Nathalie Nabert).
Elle ne marche plus — même si nous savons que dans un petit moment, elle s’en ira courant vers sa cousine Elisabeth pour entendre le "Réjouis-toi Marie, comblée de grâce !"(Lc 1,42). Première station d’un long chemin où Marie est la première, femme saisie, figée, remplie en plénitude par l’annonce de l’ange et par cette nouvelle chaleur qui la prend toute. Elle est la première disciple d’Emmaüs qui murmure dans un silence à son ami Cléophas : "Mon ventre n’était-il pas brûlant en moi tandis qu’il me parlait à Nazareth..."

Et nous, pris dans l’irradiance de ce cercle d’or et de feu, nous sommes vivants et nous attendons avec elle. Nous cheminons de l’obscurité de la terre jusqu’au bleu presque blanc du ciel. Et traversant le céleste, nous écoutons les cinq oiseaux azurés nous chanter l’air du Souffle de l’Esprit. La femme, le visage doux, beau et paisible, les cheveux comme une paire d’ailes nous suggère que l’homme peut aussi se redresser, s’arracher à la terre et s’envoler. En Lui nos salissures, souillures, dessèchements, crimes, et abandons sont transfigurés (cf. Is 64,5-6).

Nous passons, en ce soleil, de la nuit à la lumière, de l’affliction à la promesse de paix et nous désirons de tout notre cœur être éclairés et illuminés par le Christ, Lumière du monde. Peut-être irons-nous jusqu’à avoir l’audace de désirer porter en nous-mêmes cette lumière intérieure, dans notre ventre, dans notre cœur ébloui. Et le mettre, dans un nouvel éblouissement, au monde.
Quêteurs de cette splendeur "infiniment cachée, libre et imprévisible" (Paul Tillich), avançons-nous "dans la révélation avec nos hésitations de défricheurs, mais nos mains de veilleurs, simples luminaires de l’amour de Dieu, déposés dans le monde pour que le monde ne se perde pas dans les ténèbres de son exode" (Nathalie Nabert).

Veillons ensemble... Bon chemin d’Avent !

(Sr Nathalie Le Gac)

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