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De la jupe et du baptême…
Le
11 octobre 2009, dans les arènes de Lutèce, un bon groupe de chrétiens
(-ennes) se retrouvait pour se mettre en marche dans les rues de Paris,
à l’appel du « Comité de la jupe », pour l’avenir de l’Église. Un peu
partout en France, d’autres également se mettaient en marche. Quid ?
Qu’est-ce que ce comité de la jupe ? Le mieux est ici de laisser la
parole aux deux fondatrices, Anne Soupa et Christine Pedotti :
« Ce comité
de quinze personnes, treize femmes et deux hommes, est né à la suite
des paroles de Monseigneur André Vingt-Trois sur Radio Notre Dame le
6 novembre 2008 (« le tout n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir
quelque chose dans la tête »).
Soyons sérieux, on ne dit pas de telles énormités par hasard, ni pour
dire exactement le contraire de ce qu’on pense, comme le répète sans
convaincre le cardinal.
Si de telles paroles jaillissent, c’est qu’on avait oublié de refermer
la porte de son inconscient et qu’elles se sont échappées, les coquines
!
Et voilà la vérité : jupe = rien dans la tête.
Les femmes dans l’Église, en effet, ne sont pas traitées comme il serait
normal qu’elles le soient, à notre époque. Et à cause de cela, et de
bien d’autres signes qui, tous, manifestent le refus de l’Église de
regarder la société qui l’entoure, un profond déséquilibre s’installe.
Trop de tristesse dans l’Église aujourd’hui… trop de souffrances, trop
de distance avec le monde.
Aussi ce comité a-t-il décidé de ne pas plier bagage, une fois « l’affaire
» réglée.
Nous aurons beaucoup à dire, on s’y met, mettez aussi votre grain de
sel, on vous attend, hommes ou femmes. Donnez-nous vos impressions,
vos expériences, vos souhaits. L’avenir de l’Église le mérite bien.
A vous la parole ! »
De cet acte
de naissance et du succès du blog qui a suivi est née la folle idée
de mettre en marche ceux et celles qui se soucient de l’avenir de l’Église,
non pas d’abord pour revendiquer mais pour échanger, inventer et signifier
que dans l’Église les laïcs (et pas uniquement les femmes !) ne comptent
pas seulement pour « du beurre ». Une fois n’est pas coutume, c’est
sous un signe féminin, la jupe, que les choses se passent ! Le 11 octobre
dernier a donc eu lieu cette marche. Elle a débouché sur un autre acte
de naissance : à l’issue, sur le parvis de St Sulpice, Anne et Christine
annonçaient la création de la Conférence catholique des baptisé-e-s
de France.
Trois questions rythmaient le parcours : avez-vous la parole dans l’Église,
êtes-vous écoutés ? Quels sont les sujets de discussion prioritaires
à ouvrir dans l’Église ? Qu’aimez-vous dans votre Église ?
Questions simples mais significatives…
La parole, d’abord, qui est bien au cœur des souffrances de nombre de
laïcs dans l’Église. Dans les échanges ressortait invariablement le
même constat : « nous avons la parole, il est possible de parler, mais
cela ne sert à rien, nous ne sommes pas écoutés ». S’il y a bien une
crise à percevoir dans l’Église, c’est peut-être sur cette frontière
de la liberté de parole qu’elle se voit le mieux. Il n’est plus possible
aujourd’hui de se contenter d’une parole qui descendrait d’en haut.
Et le manque de liberté de parole, ou le sentiment de n’être jamais
vraiment écouté, signe bien un problème de fond touchant à l’autorité
et au gouvernement de l’Église. La question de la parole des laïcs est
ainsi tout autant celle de leur capacité à peser sur les décisions de
l’Église. Peurs également, peur de l’avenir, peur d’ouvrir des débats
sur des sujets qui « fâchent », peur des conflits qui nuiraient à l’unité
de l’Église… autant de peurs qui minent l’Église et sa capacité à parler,
que ce soit dans sa parole hiérarchique ou dans les lieux d’Église courants.
Tous avouent une certaine peur de parler… En lançant leur « à vous la
parole ! » en novembre 2008, Anne et Christine l’avaient bien compris.
Ce qui est étonnant, c’est l’écho que cet appel a rencontré. La Conférence
catholique des baptisé-e-s de France voudrait prolonger cet écho et
surtout lui donner un poids.
La deuxième et la troisième question se voulaient plus constructives.
Après l’échange d’expériences autour de la parole, il s’agissait de
voir où aller, quelles priorités se donner pour raviver quelque peu
l’Église et lui donner de traverser ce temps de crise, sur quoi miser
pour inventer l’avenir. La première des priorités, c’est bien d’annoncer
l’Evangile, mais pas n’importe comment : il s’agit « d’annoncer une
parole enracinée dans les réalités d’aujourd’hui » et c’est le rapport
au monde qui est alors en jeu. Dans tous les échanges, celui-ci est
revenu sans cesse : « arrêter de diaboliser le monde » et porter plutôt
sur lui un regard bienveillant qui cesse de juger. Pour cela, il faudrait
sortir quelque peu des discours moralisateurs qui caractérisent de plus
en plus la parole ecclésiale et qui, décidément, ne passent plus… «
Est-ce que l’Église est obligée d’avoir un avis sur tout ? », demande
quelqu’un. Le tableau ne serait pas complet sans un vivre premier :
il ne s’agit pas seulement de parler, mais bien de vivre l’Evangile.
Et là, c’est le fonctionnement ordinaire de l’Église qui est touché
: son gouvernement où les laïcs n’ont pas franchement le sentiment d’être
des partenaires à part entière, son clergé et ses ministères (« le Vatican
souhaite plus de prêtres mais de quoi avons-nous réellement besoin ?
», « quel ministère permet de réunir la communauté ? »), le statut et
la place des femmes et des laïcs. On sent bien la logique qui préside
à ces priorités : l’Evangile d’abord, dans un rapport au monde assumé
et apaisé, en prenant de lui ce qu’il enseigne de nouveaux modes de
gouvernement.
Enfin, quand on demande aux laïcs ce qu’ils aiment dans leur Église,
un flot d’émotions vient : fraternité, témoignage, rencontre, diversité,
et au cœur de tout : Jésus-Christ. Nous sommes ici bien loin d’abandonner
la barque… ces hommes et ces femmes croient toujours dans les ressources
de leur Église. Sinon, se mettraient-ils seulement en marche ?
Depuis cette marche, de l’eau a coulé sous les ponts. Le « Comité de
la jupe » est devenu la Conférence catholique des baptisé-e-s de France
et se veut une plateforme d’idées, d’échanges, de veille et surtout
de parole dans l’Église. Un mouvement est né. Pourquoi ce nom ? Essentiellement
parce qu’il s’agit de revenir au fondement commun à tous dans l’Église,
celui à partir duquel un chrétien parle : celui du baptême. L’idée était
ici de sortir d’un face-à-face mortifère entre laïcs et clercs, en revenant
à leur fondement commun et vital : le baptême.
Face à la crise de l’Église, et sans doute à cause d’elle, cette initiative
est heureuse, peut-être aussi parce qu’elle garde le style qui l’a vue
naître : celui d’une certaine impertinence toute féminine, un ton à
la fois léger et clair, et parce qu’elle n’est pas seulement un bureau
des pleurs mais bel et bien un lieu d’invention. La crise est là ? Tant
mieux ! C’est le temps d’inventer l’avenir, un avenir « libre ».
Pour aller plus loin et participer :
www.conferencedesbaptisesdefrance.fr
www.comitedelajupe.fr
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