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Photos : Monastères du Wadi Natrun, Egypte.

Vivre le Carême avec la Samaritaine,
dans la tradition du Carmel (Etape 5)

Par Sr Frédérique Oltra

De la soif de Jésus à la table de l’amour

Je voudrais conclure avec vous ce parcours, à partir de la Samaritaine, en compagnie de Thérèse de l’Enfant-Jésus, en explorant quelques lieux bibliques qui lui sont chers et qui témoignent de son propre cheminement contemplatif, si singulier et si simplement universel, d’une pertinence étonnante pour les temps que nous vivons.

La soif de Jésus

En 1887, Thérèse s’intéresse à l’affaire Pranzini, demandant pour le criminel la grâce de la conversion. Le texte des Manuscrits nous donne de déceler le mouvement de la carmélite en sa profondeur : la grâce de conversion demandée pour Pranzini s’enracine dans la conversion de Noël, vécue par Thérèse, et constitue aussi le commencement d’un fil théologique et spirituel qui trouvera son aboutissement dans l’épreuve de 1896. Le don gratuit reçu dans la nuit de lumière va conduire Thérèse à l’expression d’une oblation d’elle-même, dans les plus épaisses ténèbres, qui correspond au cœur de Dieu.

Le lieu spirituel dans lequel Thérèse se situe après la grâce de Noël, c’est la soif de Jésus : "Le cri de Jésus sur la Croix retentissait aussi continuellement dans mon cœur : 'J’ai soif !' Ces paroles allumaient en moi une ardeur inconnue et très vive… je voulais donner à boire à mon Bien-Aimé et je me sentais moi-même dévorée de la soif des âmes... Depuis cette grâce unique, mon désir de sauver les âmes grandit chaque jour, il me semblait entendre Jésus me dire, comme à la Samaritaine : Donne-moi à boire !" (Manuscrit A, 45-46).

L’épreuve des ténèbres

Dix ans plus tard, Thérèse entre, par l’épreuve, dans l’accomplissement plénier de cette grâce contemplative : "Aux jours si joyeux du temps pascal, Jésus m’a fait sentir qu’il y a véritablement des âmes qui n’ont pas la foi, qui par l’abus des grâces, perdent ce précieux trésor, source des seules joies pures et véritables" (Manuscrit C, 4). Il s’agit, pour Thérèse, de ne pas se dérober à la lutte des ténèbres et de la lumière qui travaille sa propre vie : "Les ténèbres n’ont point compris que ce divin Roi était la lumière du monde… Mais, Seigneur, votre enfant l’a comprise votre divine lumière, elle vous demande pardon pour ses frères… Ne peut-elle pas dire en son nom, au nom de ses frères : 'Ayez pitié de nous, Seigneur, car nous sommes de pauvres pécheurs !' S’il faut que la table souillée par eux soit purifiée par une âme qui vous aime, je veux bien y manger seule le pain de l’épreuve jusqu’à ce qu’il vous plaise de m’introduire dans votre lumineux royaume" (Manuscrit C, 5).

Au commencement de son cheminement spirituel, Thérèse découvre un Jésus qui a soif d’amour. C’est la même passion d’amour qui la conduira à consentir à s’affamer de lumière, pour demeurer suspendue dans la nuit de l’épreuve, car "l’amour rend semblable" (Jean de la Croix).

"Je ne me repens pas de m’être livrée à l’amour"

"Réciprocité" pour dire le lieu le plus juste de toute altérité : il s’agit de rendre au Christ amour pour Amour ; c’est-à-dire d’être rendu capable, par grâce, de prendre en charge la mission même de Jésus au cœur du monde. Si nous n’allons pas jusque là, comment donner à entendre le texte majeur que constitue le Manuscrit B et son affirmation centrale : "Ma vocation, enfin, je l’ai trouvée, MA VOCATION C’EST L’AMOUR ! Oui, j’ai trouvé ma place dans l’Eglise et cette place, ô mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée... Dans le cœur de l’Eglise, je serai l’Amour..." (Manuscrit B, 3).

Ajoutons à cela, et pour conclure enfin, que le geste mystique de Thérèse s’achève sur une note tout à fait semblable à celle des deux grands fondateurs de la Réforme du Carmel au XVI° siècle. : "Je ne me repens pas de m’être livrée à l’amour", s’écrie Thérèse, à la veille de sa mort, le 30 Septembre 1897. On entendra ainsi Thérèse d’Avila affirmer, dans son exploration du Château intérieur : "Pour parvenir à cette demeure du Roi que nous désirons atteindre, il ne s’agit pas de beaucoup penser mais de beaucoup aimer". Quant à Jean de la Croix, dans une strophe majeure du Cantique spirituel, il nous conduit au même lieu évangélique :

"Mon âme s’est faite toute servante,
Et toute ma richesse est à son service,
Désormais je n’ai plus d’autre œuvre que celle d’aimer."

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