(Prose poétique — conte cosmique et humain sur la garde silencieuse du merveilleux, la patience du service et la fidélité du rêve,
partagé par sr Pascale, Ste MERE EGLISE)
On raconte qu’il existe, tout en haut du ciel, dans un couloir que les anges ont oublié de verrouiller, un vieil homme discret, vêtu d’un manteau constellé de poussière.
Il s’appelle le Concierge des Étoiles. Ce n’est ni un dieu, ni un savant. C’est simplement celui qui garde la lumière quand tout le monde dort. Chaque soir, quand le jour s’éteint, il sort son trousseau de clefs cosmiques des milliers, suspendues à sa ceinture, chacune ouvrant un coin différent du firmament.
D’un geste lent, presque tendre, il déverrouille les galaxies une à une, comme on allume les lampes d’un grand hôtel endormi. Puis il monte sur son escabeau de brume et dépoussière les étoiles oubliées par la nuit précédente.
Certaines sont timides — elles n’ont plus brillé depuis des siècles. Alors il souffle doucement dessus, jusqu’à ce qu’un petit feu recommence à battre.
“Allez, ma belle,” murmure-t-il, “le monde a encore besoin de ton éclat discret.”
Les astronomes ne parlent jamais de lui, mais parfois, quand une étoile se rallume sans raison, ils notent le phénomène d’un air perplexe : “Réactivation spontanée d’un corps céleste éteint.”
Le Concierge, lui, sourit. Il sait que la lumière n’a pas besoin d’explication, seulement d’entretien. Il connaît chaque étoile par son nom secret, celui que personne ne prononce, celui qu’elles portaient avant d’entrer dans les atlas.
Il sait que certaines pleurent. Il sait que d’autres se taisent parce qu’elles ont trop brûlé. Alors il reste là, avec elles, en silence, comme un ami patient.
Parfois, il entend les prières humaines flotter jusque là-haut. Il ne les juge pas. Il les range dans des tiroirs de comètes, pour les ressortir quand le ciel se sent seul. Le jour, il descend sur Terre. Personne ne le remarque. Il balaie les trottoirs, il ramasse les papiers, il répare les ampoules des réverbères. Il dit : “C’est le même métier, juste à plus petite échelle.” Et le soir, quand il rentre au firmament, les étoiles, une à une, s’allument pour lui faire la révérence.
Un enfant, un jour, l’a aperçu dans un rêve. Il lui a demandé : “Mais pourquoi tu fais tout ça, monsieur ?” Et le Concierge a répondu :
“Parce que si je ne les entretiens pas, le ciel finit par s’éteindre à l’intérieur des gens.”
On dit qu’un jour, quand il sera trop vieux, il passera son trousseau de clefs à un autre — peut-être à cet enfant, ou à quelqu’un qui, en levant la tête, aura su regarder les étoiles sans vouloir les posséder.
Et quand il s’en ira, on ne verra pas d’explosion ni de supernova, juste une étoile filante traverser le ciel lentement, comme un balai qu’on range après service. “Le Concierge des Étoiles ne veille pas sur le ciel — il veille sur ce qu’il reste de lumière dans le cœur des vivants.”
Belkacem Bouasria Ouldabderrahmane
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