Elisabeth nous invite, avec Mère Germaine, à croire davantage à la puissance de l’amour qu’à celle de nos péchés : « Aux heures où vous ne sentirez que l’écrasement, la lassitude, vous Lui plairez encore si vous êtes fidèle à croire qu’Il opère encore, qu’Il vous aime quand même, et plus même : parce que son amour est libre et que c’est ainsi qu’Il veut se magnifier en vous » (L 337,6). Aimer Dieu, pour Elisabeth, c’est croire qu’il nous aime en dépit de tout ce que nous pourrions ériger contre ; croire « sans craindre qu’aucun obstacle n’y soit obstacle » (L 337,2).
Ainsi s’appuyant sur la question de Jésus à Pierre : « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jn 21,15), Elisabeth a l’audace de la retourner : « Laisse-toi aimer plus que ceux-ci ! » (L 337,2). Ce refrain scande la totalité de la lettre à sept reprises. C’est en se laissant aimer que l’on communie à l’Amour. Elisabeth en fait le cœur de la vocation, de l’appel de toute âme. Dans une lettre de novembre 1905, elle demande à l’abbé Chevignard qu’il la consacre « à la puissance de son amour » (l’amour de Dieu), pour qu’elle soit « en vérité « Laudem gloriae ». J’ai lu cela dans St Paul (Ep 1,12) et j’ai compris que c’était ma vocation » (L 250). Laisser Dieu être le centre, la lumière de notre vie c’est concrètement se situer dans la reconnaissance, l’accueil de cet amour dans toutes les couches de notre être, mêmes et surtout les plus sombres ; c’est laisser la miséricorde de Dieu agir en nous, pour nous et par nous, et ainsi donner de la joie à Dieu selon les paroles qu’Elisabeth place dans la bouche du Maître : « c’est en y étant fidèle que tu me rendras heureux, car tu magnifieras la puissance de mon amour » (L 337,2). Cette fidélité au quotidien, à ne pas faire obstacle à l’amour, est une manière de louer Dieu et de témoigner de Lui. Parfois nous cherchons comment témoigner de Dieu autour de nous, mais vivre le plus fidèlement possible de cet amour, nous rend rayonnant de la présence divine ; c’est lui offrir un passage, lui être une « Humanité de surcroit » (NI 15).
Dans une autre lettre à l’abbé Chevignard, Elisabeth s’interroge : « Comprendrons-nous jamais combien nous sommes aimés ?… St Paul, dans ses magnifiques épîtres, ne prêche pas autre chose que ce mystère de charité du Christ… Puisque notre Seigneur demeure en nos âmes, sa prière est à nous et je voudrais y communier sans cesse, me tenant comme un petit vase à la source, à la fontaine de Vie, afin de pouvoir ensuite la communiquer aux âmes, en laissant déborder ses flots de charité infinie » (L191, janvier 1904). Si Elisabeth peut dire à Mère Germaine de la part du Maître : « Laisse-toi aimer plus que ceux-ci ! », c’est bien parce qu’elle a elle-même vécu de cet amour qui manifeste la miséricorde de Dieu : « Cet amour saura refaire ce que tu aurais défait : « Laisse-toi aimer plus que ceux-ci » (L 337,2).