De la violence à la bienveillance …

Assemblée régionale Europe 2015 à St Martin Belle Roche

Durant ce week-end, il nous a été donné de réfléchir à partir de textes bibliques sur les ressorts de la violence pour à la fois essayer de découvrir dans quel mouvement du coeur, de l’esprit, de l’imaginaire, et de l’intelligence, s’enracine la violence en nous, dans nos communautés, nos sociétés ainsi que les relations internationales, et pour tenter de discerner le cheminement et le dénouement offert par Dieu pour traverser cette violence et la dépasser dans la bienveillance évangélique.
Nous trouverons dans ce qui suit un résumé de la synthèse de Sr Frédérique, quatre points à retenir :

1- Dans le premier chant du serviteur souffrant (Is42,1-9), ainsi que dans d’autres textes nous entendons deux voix :
La voix des hommes qui dit « nous sommes coupables », et la voix de Dieu qui dit :« il est juste ce serviteur ». La voix de Dieu ne porte que sur la révélation de celui qui est le serviteur. Il est devenu le grand silencieux. Il n’y a que son corps exposé, défiguré par la violence humaine qui est une écriture, un livre. Où se révèlent à la fois notre violence et la non condamnation de notre violence.

2- La justification une fois pour toute : il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ. La potence qui seule reste visible se change en trône de gloire, et inversement, toute apparence de gloire devient dérisoire. (l’annonciation c’est un peu déjà cela). c’est le renversement total de nos représentations : la gloire change d’apparence. La justification c’est que notre injustice engendrée par la violence, passe dans le corps du juste qui nous justifie.

3- La voix et l’oreille : en nous parlant ainsi, la voix de Dieu convertit notre regard en son regard. C’est en entendant la voix que notre regard est converti dans le regard de Dieu. Seule la voix peut transformer le regard, peut nous conduire à la contemplation. Et cette voix qui convertit, qui entend la sentence de Dieu qui le nomme comme juste, c’est le croire, c’est l’oreille de la foi. Mais notons que nous faisons ce passage de conversion de notre regard quand il n’y a plus rien à voir.Notre regard porté sur celui qui n’est plus là nous révèle la vérité.

4- Voir avec d’autres yeux, ce qui est déjà changer de corps : notre corps de violence se convertit en un corps de bienveillance. Le serviteur est vu avec d’autres yeux : nous quittons ce qui frappe nos yeux : nous contemplons désormais un corps de juste et non pas de déshonneur. Pourquoi est-ce qu’avant cette conversion du regard par l’oreille nous le pensions condamné, frappé par Dieu ? Parce que nous ne voulons pas nous connaître nous-mêmes dans notre violence ; nous voulons attribuer notre violence à quelqu’un d’autre. C’est le Satan du livre de Job, l’accusateur. Nous ne pouvons reconnaître notre violence parce que nous sommes menteurs et nous avons honte de l’être.
Le mensonge c’est de croire au pouvoir ultime de la mort, ne pas croire à la vie.
Nous ne croyons pas que la vie traverse la mort.

Conclusion

La mort en laquelle nous croyons est ce qui nous rend violents, elle nous enlève à nous-mêmes, elle nous jette hors de notre identité, hors de notre maison, hors de nous-mêmes. Nous sommes perdus à nous-mêmes, et ainsi perdus aux autres. C’est là que se situe l’accusation : parce que la mort nous a jetés à nous-mêmes nous cherchons le coupable. Cela porte à tuer.
Comment sortir de cette complicité terrifiante du fait que souvent nos actes et nos pensées, nos manques de courage, font que nous croyons que la mort va gagner ? Ce n’est pas possible par nous-mêmes : la mort nous enlève à nous-mêmes si nous la croyons, le juste nous donne à nous-mêmes pour nous communiquer la vie qui est lui-même et qu’il a reçue du Père. Il nous fait renter dans la spirale du don reçu et donné. C’est cela qui nous fait sortir de la violence. On entre dans une circularité et non pas dans un état.
Croire en la Résurrection c’est « laisser faire » pour qu’un nouveau rapport s’établisse entre le juste mis à mort et nous qui faisons partie des multitudes. C’est la danse du don. Parce que la justice bienveillante de Dieu manifestée dans le serviteur passe en nous : dans notre corps singulier, dans notre corps communautaire et dans toute l’humanité. Rappelons le mouvement paulinien de notre appartenance au Christ.
Si nous reconnaissons notre violence comme notre propriété (et que l’autre nous enlève, l’autre la provoque en nous) alors nous pouvons dire que nous sommes déjà dans le mouvement de la Résurrection du Christ.
Croire Jésus ressuscité, sauvé de la mort, et se laisser convertir de la violence qui tue à la bienveillance qui libère est un seul et même acte.

Sœur Frédérique, 20 avril 2015

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