Profession perpétuelle de sœur Kiêm Tran Thi

 » Le 15 octobre 2016, en présence de ma famille, d’amis et de sœurs venus nous partager la joie de l’engagement et cette foi renouvelée en un amour toujours donné, j’ai fait ma profession perpétuelle en l’église Saint Ignace des jésuites à Paris.

Tout était simple. La présence de chacun, de chacune, a ajouté quelque chose au bonheur de la communion et m’a donné de voir sur des visages une histoire, la mienne, tissée de relations et ouverte à un avenir que je voudrais Lui confier.

Merci à tous ceux et celles qui, d’une manière ou d’une autre, ont participé à cet événement. Que le Dieu de Jésus Christ vous comble de ses bénédictions et vous accorde le désir de votre cœur.


Vous trouvez ci-dessous le texte de l’homélie du Père François Boëdec que je garde comme une feuille de route sur le chemin du Carmel et que j’aimerais bien vous partager :
Jean 7, 14-18. 37-39a

« Frères et sœurs, Chère Kiêm,

Il y a toujours dans notre itinéraire personnel, notre chemin spirituel, ces moments où nous faisons l’expérience d’être bloqués, stoppés. Et nous piétinons parfois sans comprendre, sans l’accepter aussi. Comme nous aimerions mener à bien notre course vers Dieu, Celui que nous avons choisi, selon le rythme, la mesure, la perfection, qui nous semblent les plus sûrs pour nous, et ainsi pouvoir lui présenter l’œuvre d’une vie donnée. Bien sûr, nous avons lu et écouté tant de maîtres spirituels, et donc nous savons – parce qu’on nous l’a répété sur tous les tons ! – qu’on ne va pas à Dieu à la force des poignets, et qu’il faut « lâcher prise » comme on dit si souvent, et parfois de manière un peu rapide et pieuse… Et pourtant, tout ne se passe pas aussi facilement, tout n’arrive pas aussi automatiquement qu’au début du passage du Livre de la Sagesse que nous avons entendu : « j’ai prié, et l’intelligence m’a été donnée. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. ».
Efficacité impressionnante d’une vie en Dieu qui peut faire rêver. Pourtant, dans nos vies, reconnaissons-le, combien de prières sans intelligence, combien de supplications sans sagesse… ?! Combien de combats solitaires perdus, d’impatiences ou de prétentions stériles ? Cela nous avons certains jours du mal à l’accepter, parfois même nous ne le voyons pas, tant nous pouvons être préoccupés par nos projets, tournés vers les objectifs du moment, ou prisonniers de considérations qui encombrent notre espace intérieur.

Même si je ne suis pas le mieux placé pour le dire, il me semble que Ste Thérèse d’Avila – c’est d’ailleurs rassurant pour nous – a bien connu cela, cette expérience d’une tension intérieure entre vouloir propre et décentrement, entre vraie et fausse liberté, entre désir spirituel et travail de l’esprit, entre aveuglement et libération… Thérèse – nous le savons – passera par des hauts et des bas sur son chemin intérieur. Depuis le moment de sa décision pour Dieu jusqu’aux fruits que sa vie portera, elle passera par des conversions, ces mouvements où le cœur, l’âme, et le corps se tournent vers un autre que soi. Femme de tempérament, de désir et de volonté, Thérèse s’est peu à peu laissée guider, conduire, transformer, faisant l’expérience étonnante de toute vie avec Dieu, celle d’être de plus en plus libre, d’être de plus en plus soi-même, alors qu’on est de plus en plus à Dieu.

  Te voilà sur cette route, toi aussi, Kiêm. Pour ce qui est du tempérament, du désir et de la volonté, je crois que tu as tout ce qu’il faut. Ta famille, et tes sœurs du Carmel pourraient sans doute le confirmer. Mais ma toute petite expérience du Carmel St Joseph semble indiquer que ce sont-là des traits de caractère assez partagés dans la Congrégation.

Kiem, tu sais ce que c’est d’avoir soif, de cette soif dont parle Jésus dans l’Evangile que tu as choisi en ce jour, une soif de ce qui est vrai et beau, de ce qui peut combler une existence, de ce qui ne passe pas. Tu l’as cherché ton amour, ce trésor qui passe tous les autres. Tu as parfois voulu lui donner rendez-vous aux lieux que tu avais choisi et décidé, alors qu’il t’attendait un peu plus loin en de nouveaux espaces à habiter. Et tu sais aussi ce qu’est d’avoir besoin d’accueillir l’Esprit qui vient au secours de ta faiblesse, tu connais certains lieux de combat, passés et sans doute à venir, ce qui a besoin d’être affiné, ajusté, adouci, dépouillé…

Mais pour reprendre l’interrogation évangélique des juifs, « comment connais-tu toutes ces choses ? » Tout ce savoir-là, tout cet enseignement, ne te vient pas d’abord et uniquement de ton temps d’études au Centre Sèvres. Même si j’espère qu’il y a quand même modestement contribué. Mais il vient de ta vie avec Dieu, de ton histoire personnelle et familiale, de ta prière, de ta vie de service, de ce que tu découvres et reçois de tes sœurs en communauté, et dans le Carmel St Joseph, y compris au Liban. De ce que tu partages avec les autres, étudiantes au foyer, amis, famille… Oui, l’expérience de Dieu passe toujours, d’une manière ou d’une autre, par l’expérience de l’autre.

Aujourd’hui, tu vas redire à Dieu ton désir profond d’être à lui. Un désir qui a muri au long des années. Le oui de ton cœur est à la fois le tien, libre et responsable, il est aussi le fruit du travail de l’Esprit en toi. Dieu est toujours le Tout autre vers lequel nous allons, qui nous déplace et nous décentre ; mais il est aussi celui dont l’Esprit est déjà là, au plus intime de nous-mêmes, marque de notre origine divine, lieu-source où se reçoit la vie. C’est ce que Jésus a découvert et témoigné par toute son existence, dans la relation à son Père. Il fut au service de cette parole originelle qui nous fait découvrir qui nous sommes, enfants aimés de Dieu, et qui nous tourne radicalement vers la vie.

Kiem, laisse-toi conduire par l’Esprit de Dieu. Pour que jamais ta soif ne cesse. Et pour que tu deviennes ainsi, de plus en plus aimante et vivante, la seule offrande qui plaise à Dieu, la joie de son cœur. Et donc aussi la nôtre. »          François Boëdec, sj.

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