Une mystérieuse inconnue qui a nos visages…
Il parait que dans le Talmud nous est dit que Dieu compte les larmes des femmes… eh bien, Il doit avoir du travail en ces temps où notre monde est à feu et à sang ! Combien de larmes verseront encore les femmes, mères, filles, sœurs ou amies, sur les victimes des guerres et des attentats ? Combien de larmes de femmes devra-t-Il encore compter, notre Dieu, avant qu’advienne la justice et la paix sur notre terre ? Dans cet épisode de l’Evangile selon Luc, Jésus ne se montre-t-il pas de cette descendance d’un Dieu conscient des larmes des femmes et qui leur accorde de la valeur, ne les considérant pas perdues mais au contraire comme pouvant baptiser l’obscurité de notre monde d’une promesse, celle d’une brèche possible dans nos fermetures à l’amour ? Mais qui est-elle donc cette mystérieuse et courageuse inconnue dont on sait si peu si ce n’est qu’elle est femme, de la ville, pécheresse… bien réducteur tout cela, surtout mis ensemble ! Une femme dont on oublierait presque qu’elle sait écouter ! Elle sait écouter son désir de rencontrer cet homme Jésus que mystérieusement elle perçoit déjà comme son sauveur ! Encore plus mystérieux de savoir comment elle a pu se faufiler chez ce pharisien sans se faire intercepter et se retrouver au plus près de l’invité d’honneur, derrière lui, à hauteur de ces pieds qui ont déjà foulé tant de lieux à la rencontre de ces assoiffés de sens comme elle. Qu’est-ce qui pouvait bien l’habiter cette femme qu’elle soit prête à braver obstacles et interdits, n’ayant cure de son honneur depuis longtemps confisqué par le jugement des hommes, allant jusqu’à abandonner sa chevelure au vent comme si elle voulait lâcher tout ce qui la retiendrait de se jeter aux pieds de son unique Bien Aimé ! « Confiante jusqu’à l’audace » (Thérèse de l’EJ) sans autre bruit que celui de ses larmes silencieusement mêlées à ce parfum que son propre corps et ses gestes livrés à d’autres hommes avaient, sans doute, permis d’acheter. Connaitrons nous un jour son nom ? A-t-elle un nom ? Ou peut-être que, précisément, elle a tous nos noms, qu’elle « est » tous nos visages, toutes nos identités mêlées d’êtres blessés, malmenés, écrasés par le poids de ces aspirateurs de l’âme que peuvent être nos cités, scènes de violences et de tentations, et accablés par nos incapacités de leur résister. Engloutis par ce que le monde des humains peut parfois offrir de plus sombre et cependant habités par cette sourde espérance qu’en ce corps de Jésus se trouve tout ce dont il faut prendre soin pour qu’avec lui notre humanité puisse être relevée, mise debout, glorifiée !
Les larmes disent notre humanité. Qu’elles soient larmes de joie ou larmes de tristesse, larmes de souffrance ou larmes de peur. «Mystérieuses, réprimées, ou déferlantes, les larmes ont toutes les facettes. Douces et sages, ou bien tendues et amères, en flots désordonnés ou en goutte à goutte, elles courent de la douleur à la joie» (cf. Anne Lécu «Des Larmes » ). Corps et cœur; âme et esprit, secret et intime… elles touchent au divin. Elles lavent les yeux, le regard, le cœur aussi. Elles soulagent souvent, elles questionnent parfois. «Douces ou amères, les larmes soulagent toujours » (cf. Alfred de Musset, 1837). «Dans toutes les larmes s’attarde un espoir » disait Simone de Beauvoir, en cette mystérieuse femme cet espoir s’est transformé en une espérance qui n’est pas déçue, démarche d’amour pauvre et humble qui suscite cette parole libératrice « tes péchés sont pardonnés … ta foi t’a sauvée. Va en paix ! ». Je fais cette prière : que nous puissions toutes et tous, inconnu.e.s de tout genre, pécheurs pardonnés et aimés, recevoir à notre tour cette « autre aurore » (cf. Georges Bernanos) en ces paroles se donnant à entendre à nous « Je t’aime d’un amour éternel, c’est pourquoi je te conserve ma bonté » Jr 31,3 (traduction Bible de Segond), et qu’elles nous apportent la paix !
Un commentaire