La Parabole, clé d’accès à notre vulnérabilité.
Nous voici dans une section de l’Évangile selon St Matthieu où le thème de la « parabole » semble faire irruption, tant et si bien que même les disciples sont surpris de leur soudaine utilisation par Jésus. Une utilisation qui est massive, car dans ce fameux chapitre 13, il n’y en aura pas moins de sept, et sept paraboles qui ont pour thème le Royaume, Royaume des cieux – Royaume de Dieu ! Fameux chapitre 13 qui est de surcroit le centre de cet Évangile, de même que ce Royaume n’est autre que notre centre, notre cœur ! Ce lieu où nous pouvons être vulnérables à Dieu. Est-ce si sûr que cela que les disciples n’aient pas eu, eux aussi, à entendre des paraboles ? En fait, c’était un usage assez répandu dans la tradition hébraïque, comme en est preuve le fameux récit parabolique que le prophète Nathan adresse au roi David pour l’amener à reconnaitre son propre péché ! Mais, c’est l’usage qu’en fera Jésus qui sera unique et il n’hésitera pas à utiliser abondamment ce style « parabolique » pour communiquer ! Et donc voici notre Jésus engagé dans l’activité de « conteur d’histoires » mais ses récits ont, sinon un rebondissement, toujours un retournement de situation ! Le rebondissement est que la signification de son récit n’est jamais immédiatement accessible. Celui ou ceux à qui il s’adresse doivent l’entendre, puis s’arrêter pour l’écouter, le laisser les pénétrer et se laisser peu à peu éclairer de l’intérieur de sa signification profonde ! Aussi, d’après la réponse de Jésus, les disciples auraient, eux, eu accès « aux mystères du Royaume des cieux » ! Eh bien, ils ont bien de la chance, et cette réponse de Jésus qui sous-entendrait qu’eux, ils ont accès à quelque chose auquel le manque d’intelligence, qu’elle soit intellectuelle ou du cœur, des autres ne leur permettent pas d’avoir accès, paraît, à première vue, un peu dure. En substance, Jésus dirait que certains sont censés comprendre, d’autres non ! Et, qu’en somme, les disciples devraient être reconnaissants d’être parmi ceux qui comprennent ! Or, si nous nous attardions sur ce petit verbe de « donner ». Les mystères du Royaume des cieux seraient quelque chose de donnée et non pas de l’ordre de l’acquisition ! Et pour « récolter » ce qui est de l’ordre du don, il nous faut nous disposer à le recevoir ! Mais si nous ne nous mettons pas en condition de recevoir, Dieu rentrerait-il chez nous par effraction ?! Certes, non ! Il est par trop respectueux de notre liberté ! “Ce n’est pas donné (de connaitre les mystères du Royaume des Cieux) à ceux-là » : il y a une tension à l’œuvre ici entre le rappel « qu’il nous faut permettre à Dieu d’être Dieu en nous » et notre liberté d’être créée à son image et libre de devenir à sa ressemblance. La bonne nouvelle de l’Évangile est la nouvelle du don inconditionnel de lui-même qu’il nous fait à travers son Fils, Jésus-Christ. L’œuvre de notre vie est de se disposer à l’accueillir ou pas… Et c’est parce que certains — “ceux-là” s’y refusent, se referment, entendent, mais choisissent de ne pas écouter, regardent, mais se refusent à voir, que leurs cœurs se sont endurcis… Il est à souligner la différence entre la réponse que Jésus fait en Matthieu et celle qu’il fait en Marc. Dans Marc il est fait usage de la préposition “hina” qui se traduit « afin que ». Le récit de Marc suggère que Jésus avait l’intention, en disant cette parabole, de durcir les cœurs de ceux qui le rejetteraient. Matthieu utilise la préposition “hoti” qui se traduit “à cause de “. Le récit de Matthieu suggère, lui, que Jésus parle en parabole parce que le cœur de ceux qui l’ont rejeté, c’est déjà endurci. Peut-être que les paraboles étaient un moyen de percer la dureté de ces cœurs et de faire une différence ! « …Les paraboles baissent nos défenses et nous rendent vulnérables à Dieu… », n’écrit-elle pas la théologienne Barbara E. Reid ? En effet, tout n’est pas perdu ici ! Jésus vient juste de raconter la Parabole du Semeur et de tous ces différents sols dans lesquels les grains sont tombés. Cette parabole peut être l’illustration que si certains acceptent facilement l’Évangile, d’autres ont besoin de plus de temps pour que le message prenne racine en eux. « Pour ce qui est du jour et de l’heure, (de la venue du Royaume des Cieux) personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul » vient comme en écho ce verset de Matthieu 24,23. Nous ne connaissons ni quand ni chez qui le Royaume de Dieu viendra, c’est peut-être cela le mystère auquel ont eu accès les disciples de Jésus, eux qui vivent dans sa proximité et qui partagent son intimité.
Aussi, le Royaume de Dieu, telle une béatitude, est pour un aujourd’hui. Lié à une réalité spirituelle, il est pourtant hors du temps et hors de l’espace. Et cependant, il est bien cette terre dans nos vies que nous ouvrons au règne de Dieu, où nous sommes en relation avec Lui et en harmonie avec sa volonté. Dieu y règne, son action se conjugue au présent et se met en place en nous. Le Royaume, Parabole de la miséricorde de Dieu, se trouve dans notre cœur et se transporte là où nous allons. Est-ce à cela, qu’en ce jour où nous faisons mémoire de St Charbel Makhlouf, ce dernier désirait consacrer le restant de sa vie à chercher lorsqu’il demanda à son abbé et obtint le privilège de vivre en ermite ? Qu’allait-il chercher au désert comme au cœur de l’eucharistie, si ce n’est son Bien-Aimé ?
Sœur Dominique Larcade-Robinson
Un commentaire