Sr Frédérique

 

 

« Découvre-moi ta présence,
Que la vision de Ta beauté me tue !
Qui pour l’amour est peine
Guérir ne peut, Tu le sais,
Qu’en présence du visage de l’Aimé. »

Cantique spirituel – St Jean de la Croix

 

Frédérique notre sœur et amie,

Ce matin, nous sommes venus de loin rendre grâce à Dieu pour notre sœur et amie Frédérique, lui dire notre profonde reconnaissance pour son écoute, son accompagnement, sa présence d’humanité auprès de tous les « brûlés de la vie ». Parmi tant de visages qui lui étaient chers, les visages du Viêt Nam, de Madagascar, de République Démocratique du Congo, du Liban sont là aussi pour dire ces terres et ces peuples que Frédérique a aimés et où elle a vécu ou voyagé. Dans un très beau texte « Terra incognita- Vers une terre inconnue » écrit en mai 2021 et qui devient son testament spirituel, transmis par une de ses amies, Frédérique confie que, très jeune, elle a eu le désir de se laisser entraîner, guidée par st Jean de la Croix, dans l’Heureuse aventure de la foi, mais c’est de nuit !

« Je peux le dire maintenant, après plus de quarante ans d’expérience, je me considère comme en migration et la traversée de cette nuit vers le Visage lumineux de Dieu, je la vis comme un exil. »

Elle appartient à des mondes, car un seul ne lui suffirait pas : née à Rabat, au Maroc le 21 janvier 1952 de Hélène Hermoso et Lucien Oltra, elle est issue d’une famille d’émigrés espagnols, lointainement Juifs issus de conversos. Je crois me souvenir que c’est en travaillant avec le Père Carme Michel de Goedt que celui-ci lui a révélé l’origine de son nom de famille : Oltra – Outremer. Avec un tel nom, cela devenait plus facile de parcourir le monde et de se lancer dans le goût du voyage. La proximité spirituelle avec le parcours de Teresa de Jésus, la Madre espagnole, est claire et elle passera sa vie à approfondir la vie d’oraison qui a sa source dans une Parole vive.

Miraculée par l’intercession de st Charbel, le moine libanais maronite, alors qu’elle était un nourrisson, elle annonce du haut de ses 4 ans à sa mère Hélène qui la voit partir avec son cartable : « Où vas-tu ainsi ? Je vais vivre ma vie. »

A 17 ans, face à des parents incrédules, elle partage son désir ardent d’entrer au Carmel saint Joseph, congrégation qu’elle a connue à travers l’école de Casablanca et en particulier le visage d’une érudite, amoureuse des livres, sr Claudine Collinet. Elle y entrera 4 ans plus tard, après des études de lettres. Elle entre à Paris le 15 octobre 1973 en disciple de Teresa de Jesus qu’elle restera toute sa vie avec de profondes coïncidences. Elle y est une novice seule et singulière auprès de sr Jacqueline- Emmanuel qui l’accompagnera avec une indéfectible bienveillance et sa profonde humanité laissée en héritage. Après Paris, des expériences communautaires insolites dans les vignobles de Bourgogne, Nuits st Georges, Farges, puis st Guilhem le Désert dans l’Hérault qui lui permet de retrouver ses racines méridionales et d’exercer son talent de professeur de français en collège. De 1987 à 1991, elle étudie la théologie à l’institut des Jésuites de Bruxelles et achève une 5e année à Paris à l’Institut Catholique. Des années passées 1994-2002, à ste Foy lès Lyon, elle me dira que ce furent ses plus belles années de vie religieuse, en responsabilité auprès des jeunes sœurs et dans l’engagement pastoral dans le service diocésain de Lyon. Elle y enseigne la théologie spirituelle à l’Institut catholique et poursuit sa traversée en profondeur des œuvres des saints du Carmel Teresa, Juan de Yepes et Thérèse Martin. Elle anime durant 18 ans le pôle formation au Carmel st Joseph et assure une véritable transmission en donnant sa confiance à de plus jeunes sœurs pour dispenser des sessions bibliques et carmélitaines. Elle est très appréciée également de nombreux Carmels en France, à Laval, au Cameroun à Figuil et Yaoundé, République Démocratique du Congo au Carmel de l’Epiphanie de Lubumbashi.

En septembre 2002, elle revient en tant que prieure et formatrice à Paris où elle accompagne, pendant 10 ans, une communauté de sœurs nombreuses dont plusieurs en études de théologie. Elle est, à cette époque, conseillère générale depuis 4 ans et commence ses nombreux et lointains voyages, du Viêt Nam où elle ira deux fois par an durant plus d’une décennie, à Madagascar où elle partira vivre de 2012 à 2014 à Fandriana, ville enclavée des Hauts plateaux. De 2014 à 2016, les responsables des communautés du Proche-Orient l’appellent pour être la prieure de la communauté du Caire. En juillet 2016, après la fin de son troisième mandat comme conseillère générale et assistante générale, elle retourne une année à la Fraternité de ste Foy les Lyon puis retrouve l’ambiance méditerranéenne de ses origines, à Six Fours les Plages.

Après quelque temps et le décès brutal de sa cousine Patricia, elle pose ses bagages à Notre Dame de Pépiole, sanctuaire marial du Ve siècle, l’un des plus anciens de France. Elle y est intégrée rapidement en mission pastorale du diocèse. Elle anime avec charisme le groupe biblique des amis du sanctuaire de Pépiole et accompagne des communautés Vie chrétienne, également à la Seyne sur mer. Une personne qu’elle accompagne dans la vie de foi nous écrit son admiration et son amitié pour « cette belle personne, véritable femme d’Eglise » Ses derniers projets étaient un parcours dans l’Exode avec sa lecture approfondie de l’Ecriture, son questionnement incessant dans la recherche passionnée du Visage de Dieu en son Fils Bien Aimé.

L’été dernier en août, elle a eu le grand bonheur de retrouver les communautés du Viêt Nam florissantes et elle avait l’espoir de s’y rendre en février avec ses amis et son cousin Walter, avant d’y retourner vivre trois mois l’été prochain. Un peu avant Noël, elle nous a fait l’amitié de nous visiter en communauté à st Martin Belle Roche avec son amie Natalie-Charlotte. Ensemble, nous avions scruté l’Ecriture en Exode 14 et elle m’avait partagé son émerveillement devant les découvertes tirées du texte hébraïque. Elle se tenait dans le mystère de la Pâque, le passage des eaux de la mort vers un ciel nouveau, une terre nouvelle où il n’y aura plus de larmes.

Au matin du dimanche 12 janvier, en la fête du Baptême du Seigneur, le ciel s’ouvre pour Frédérique, dans la lumière de l’aube, telle une myrrophore au matin de Pâques, elle entrevoit Celui que son cœur désire :

 

« Mon Ami, soyons en joie,
Et allons-nous-en nous voir en ta beauté,
Au mont ou à la colline
Où l’eau pure vient jaillir,
Et pénétrons plus avant dans l’épaisseur. »

Cantique Spirituel- St Jean de la Croix

Elle dont l’amitié généreuse se diffusait avec largesse et compassion et dont nous gardons le lumineux sourire en mémoire, nous croyons qu’elle Te contemple enfin dans la Lumière radieuse de ce Visage aimé !

St Martin Belle Roche, le 21 janvier 2025
Sr Marie Hélène Gérault