Ces religieuses…

Vivant au nord d’Israël, non loin de la frontière libanaise, Sœur Nouha Khoury, carmélite de saint Joseph, a accepté de témoigner de sa mission de prière et de paix au Messager de Saint Antoine. Cette Israélienne de 64 ans, née à Nazareth, est entrée au Carmel Saint-Joseph en 1984. Heureuse dans sa vocation, Sœur Nouha œuvre silencieusement sur cette terre de nouveau meurtrie par les violences. Contemplation et vie au cœur du monde l’habitent.Vous vivez dans un pays en guerre depuis plusieurs  mois. En quoi votre vie de carmélite est-elle tournée vers la paix et la charité ?
Ma vie de carmélite consiste à dire Dieu. J’aime rappeler que, n’ayant pas de fondateur, les carmes ont trouvé en Élie leur guide et leur père. Ils ont alors retenu comme devise deux cris qui résument l’idéal carmélitain : « Il est vivant le Seigneur devant qui je me tiens ! » et « Je brûle de zèle pour le Seigneur Dieu de l’univers », qui proviennent du premier Livre des Rois. Notre vocation au Carmel est un appel à la prière continuelle. Quand on est carmélite de saint Joseph, tout notre être est tendu vers la paix et la charité : cela se fait à travers notre témoignage qui consiste à dire l’immense tendresse de notre Dieu pour tous les peuples. Ce don de la paix, nous le recevons du Christ qui est le prince de la Paix.

Quelle mission à l’extérieur de votre communauté avez-vous ?
Ma mission consiste à accueillir les personnes qui viennent prier ou visiter l’église maronite et l’église melkite Saint-Élie. Je leur fais visiter ces deux églises, ils me confient leurs intentions de prière, leurs soucis. L’accueil passe à travers une paix, une joie et une simplicité. Un accueil chaleureux permet à chacun de se sentir aimé.

Avez-vous eu d’autres missions ?
En entrant dans la communauté, j’ai fait ma formation en France et j’y ai vécu 7 ans. Puis, en 1991, je suis revenue en Israël et suis à Isfiya depuis 33 ans. J’ai pratiqué le métier d’éducatrice de jeunes enfants de 1991 à 2013. En 2014, on a dû fermer le jardin d’enfants faute d’enfants. Je suis alors allée travailler en tant qu’aide-soignante auprès de personnes atteintes de cancer et en fin de vie dans un hôpital non loin de chez nous, pendant 4 ans. J’ai aimé mes malades et ai su gagner leurs cœurs ! Ensuite, je me suis spécialement occupée d’une de nos sœurs aînées vivant avec nous, âgée de 100 ans et qui est décédée l’an dernier.

Quel lien y a-t-il entre le Carmel Saint-Joseph et Isfiya ?
Isfiya, situé à 10 kilomètres de Haïfa, dans le nord du pays, est un village druze et musulman ; les chrétiens y sont minoritaires. Notre village d’Isfiya est au sommet du Mont Carmel, non loin de la Galilée. Isfiya signifie « Là où les vents soufflent ». Les Carmélites de saint Joseph sont installées dans ce village depuis plus d’un siècle, le couvent ayant été construit en 1921. Le service des malades et l’éducation des enfants a toujours été au cœur de notre mission.
À Isfiya, nous vivons en paix. Nous participons à la vie des paroisses alentour. Nous visitons les familles, des personnes malades ou en deuil.

Dans cette Terre sainte meurtrie par les violences, comment donnez-vous le désir de vivre en paix à ceux que vous rencontrez ?
Tout est possible à celui qui croit ; avec ma foi je peux transporter les montagnes !

Vous êtes entourées de musulmans, de juifs et de chrétiens minoritaires. Votre présence discrète est-elle vue comme une source de paix ? Quels liens avez-vous avec eux ?
Il n’y a pas de différence entre les religions. Nous adorons tous un même Dieu qui est Notre Père. Juifs, chrétiens et musulmans, nous vivons en commun accord et nous nous respectons mutuellement. Les chrétiens arabes en Israël sont très bien insérés, ils font des études, accèdent à de hauts postes. Ils peuvent travailler et en sont heureux. Nous accueillons souvent des étudiantes de toutes confessions qui
étudient à l’Université qui est tout près de chez nous.

Quelles actions menez-vous pour éradiquer la peur et la méfiance entre les peuples ?
Il n’y a pas de place pour éradiquer quoi que ce soit ; la peur et la méfiance n’ont de place parce que, dans la prière, les barrières tombent ; l’amour est plus fort que la mort.

Comment arrivez-vous à « vivre et témoigner de l’immense tendresse de Dieu pour chaque homme », comme le prévoit votre Règle de vie ?
La méditation quotidienne de la Parole de Dieu, notamment avec la lectio divina, nourrit l’ensemble de notre vie et la soutient avec la force de l’Esprit. Par notre présence et notre manière de vivre dans notre village, nous voulons chaque jour manifester l’infinie tendresse de Dieu pour chacun et pour le monde, avec sa beauté, sa souffrance, sa recherche de bonheur et d’humanité. Nos portes au Carmel Saint-Joseph sont toujours ouvertes pour écouter la détresse des hommes qui sont nos frères, et pour pouvoir partager leurs peines et leurs joies.

Comment se manifeste concrètement votre désir de fraternité et de paix ?
Cela se manifeste avec le désir de toujours refaire et répéter comme notre Règle de vie le propose : « Nous nous efforçons de toujours recommencer ». La paix nous est toujours offerte ; est-ce que nous savons la saisir et en vivre ?

Face aux armes et à la violence qui vous entourent, quel combat menez-vous ?
Nous menons le combat de la prière en prenant « le bouclier de la foi ». J’aime m’inspirer de la lettre aux Éphésiens : « Mettez tout votre zèle et votre force à vous revêtir de l’armure de Dieu afin de résister au mal ». J’ai confiance en Dieu.

« Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas subir ». Cela pourrait-il être un défi à partager ?
Il est évident que nous devons nous respecter et faire en sorte de vivre l’Évangile. Il n’est pas toujours évident de nous traiter avec douceur, miséricorde, compréhension et de garder un cœur libre.

Jean XXIII affirmait que « là où l’Évangile est proclamé et vécu, on apprend à ne pas perdre le don de la paix ». Ces mots ont-ils une résonance particulière ?
Oui, bien sûr. Le Seigneur nous le confirme, dans l’évangile de saint Matthieu : « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde ». On se fie à sa Parole qui va nous transformer de l’intérieur. Le Christ a envoyé ses disciples et, à notre tour, nous recevons ce message de paix et d’amour en essayant de le transmettre avec ce que nous sommes.

Quel élan pourriez-vous nous envoyer pour agir en artisan de paix, là où nous sommes ?
J’ai envie de vous confier que vous êtes des ouvriers de la paix et que la moisson vous attend pour réconcilier le monde ! N’emportez que l’amour à ceux qui vous accueillent comme à ceux qui vous chassent ou vous haïssent. Annoncez que le Royaume de Dieu est là, tout près de nous, quel que soit le pays où nous vivons. ■

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