Les nuits humaines
Avec cet Evangile, nous faisons connaissance avec Simon-Pierre, le pêcheur de Capharnaüm. Un homme ordinaire livré à son métier exigeant de pêcheur sur le lac de Tibériade. Sa vie bascule le jour où Jésus en personne lui emprunte sa barque pour avancer au large… la foule se presse sur le rivage, venue de tous les horizons, plaine de Génésareth, pays de Dan et Zabulon, Galilée des nations. Jésus garde l’initiative pour ne pas se faire déborder. Mieux vaut garder la juste distance. Montons dans la barque ! Ce que Pierre ne sait pas, c’est que cette rencontre avec le Maître de Nazareth fera tout simplement chavirer sa vie, pour emprunter une autre barque, celle de l’Église.
Cette nuit-là, Simon et ses compagnons n’ont rien pris. Un dur labeur, sans cesse recommencé, pratiqué avec patience, persévérance, mais aussi obstination, peut-être résignation. Cela ne ramène pas forcément de quoi vivre et cette nuit est vide et stérile comme au premier jour de la Genèse. Les nuits humaines vont -elles à Dieu ? Le Seigneur connaît le cœur de l’homme, le poids de la souffrance, le désespoir qui lamine, la fulgurance du cri, le souffle qui s’éteint. Un peu à l’image de ce prophète brûlé de l’amour de Dieu et dévoré de zèle qui s’enfuit au désert pour y mourir : « Seigneur, c’est assez, prends ma vie. Je ne vaux pas mieux que mes pères. » 1 R 19,4 Est-ce cela Elie le Tishbite qui brûlait en toi ? Le désir immodéré de t’élever au-dessus de tes pères dont on ne sait d’ailleurs rien ? L’histoire nous apprendra que Elie n’est pas au bout des ses peines. Le Seigneur ne lâche pas ceux qui le cherchent, même en faisant de lourdes erreurs. Quitte à leur envoyer un ange, du pain et de l’eau et même une brise légère…
Avec Simon, nous nous tournons vers le Seigneur qui se tient là, si proche : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre, mais sur ton ordre, je vais jeter les filets. » Au creux de l’épreuve, au cœur de la nuit, le Seigneur nous demande une seule chose : la confiance en sa parole. « Sur ta parole, je vais jeter les filets. » Fonder notre vie sur une parole qui nous tient debout. Avec le prophète Elie, en qui le Carmel voit son inspirateur, il est bon de pouvoir redire : « le Seigneur Dieu est vivant , devant qui je me tiens. » 1 R 17,1 Pris d’effroi, Simon recule devant cette rencontre bouleversante. Jésus lui donne alors cette parole de vie qui oriente désormais toute son existence : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » Le pêcheur deviendra apôtre par un long chemin de chute et de recommencement.
Plus près de nous, la jeune carmélite de Lisieux au cœur sincère s’exprimera avec ces mots désarmants : « Il n’y a qu’une seule chose à faire pendant la nuit de cette vie, c’est d’aimer Jésus de toute la force de notre cœur et de lui sauver des âmes pour qu’il soit aimé. » 15 octobre 1889
© Image : Martyres du Vietnam, abbaye cistercienne de My Ca
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