Arrêt sur image

« Les faits les plus étonnants et les plus réels ne peuvent jamais être communiqués d’homme à homme. La vraie moisson de ma vie quotidienne est en un sens aussi impalpable et indescriptible que les teintes du matin et du soir. C’est un peu de poussière d’étoile qui a été saisi, un segment de l’arc-en-ciel que j’ai pu accrocher au passage[1]. »

Dans notre relation aux personnes, à la nature et aux objets, quelque chose d’impalpable gît sous l’épaisseur de l’agitation et de la non-présence. Ma clé, la tasse de café, le presse-papiers, le livre, la bougie, la tortue, le chapeau, le réveil, la photo, les sandales, le billet d’argent, le bouquet de fleurs, le cadeau, les tasses de café dorées et le tableau, tant de choses qui habitent cet impalpable alors que nous les prenons souvent pour des accessoires vides de sens et extérieures à la vie, extérieures au mouvement qui traverse notre histoire et fait de nous les personnes que nous sommes.

Caspar David Friedrich, Wanderer above the sea of fog

Nous parlons beaucoup ces jours-ci du lien que l’homme devrait renouer à la nature et au vivant. Nous risquons parfois d’oublier qu’il y a un autre lieu où nous pouvons nous initier à ce premier sans créer trop de dégâts. Le lien que nous avons aux choses. Les choses constituent, entre nous et la nature, comme une sorte de médiation. Nous les côtoyons de manière continue. Elles nous habillent, nous nourrissent, nous soignent, nous étonnent, nous bousculent, nous bouleversent et nous transforment ; elles nous blessent aussi, nous agressent, nous submergent et nous encombrent. Elles sont devant nous plus démunies que la nature, plus passives qu’elle et plus dépendantes. Elles sont aussi plus résistantes et souffrent un peu moins que le vivant, ou plutôt, peut-être, autrement que le vivant !

Nous les avons créées en transformant la nature pour nous adresser à elle. Cette transformation nous transforme en retour. Elles sont ainsi l’union de deux natures : la nature humaine et l’autre nature, celle en attente de l’éveil de l’homme et qui, dans son attente, est assez puissante, assez effrayante parfois dans la résistance qu’elle peut lui opposer. Une résistance que nous avons à écouter, désormais peut-être dans un tête-à-tête, sans la médiation pour une fois d’aucune autre chose. Les choses sont là, mais elles aimeraient bien nous montrer un autre, elles voudraient disparaître, une fois que nous sommes prêts, pour nous laisser face à la nature. Elles auraient ainsi accompli leur mission…

 

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