Troisième méditation : « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce »  (Jn2,16)

Une main, en gros plan, paume largement ouverte, occupe toute la toile, et sur elle repose, mort ou vivant ? un papillon. L’auriculaire, légèrement replié sur l’insecte improvise un abri. Dans la « vraie » vie, c’est la couleur du papillon qui nous aurait éblouis. Mais, dans la peinture d’Émile Orange, c’est la main orangée, luminescente du pigment fluorescent qui attire le regard.

Tout est mis en scène par le peintre pour que la main occupe notre attention : sa teinte, sa taille, le graphisme en macro où chaque ligne, chaque ride ou pli devient chemin, le cadrage qui occupe tout le tableau ne laissant à notre regard qu’une minuscule échappatoire, ce petit carré de ciel mauve tout en haut à gauche.

Le troisième déplacement de regard, comme une mise en abyme, nous fait regarder cette main comme la nôtre, comme un « selfie ». C’est nous qui nous nous regardons. Nous devenons le corps de cette main devant nous. Par ce prolongement du regard, le spectateur entre dans la toile et devient l’acteur qui recueille dans sa paume, le papillon endormi.

La couleur ajoute à ce passage du réel de devant le tableau au supra-réel pictural. Entrons dans la toile, la couleur sublime la chair de ce corps, et ainsi l’artiste nous fait comprendre un au-delà du corps, un au-delà de la fragilité, de la mort et de la vie… d’un autrement et autre-part possible.

« Mais lui parlait du sanctuaire de son corps » (Jn 2,21).