Les tasses de café dorées

Flaubert, dans sa vieillesse, écrit un jour à sa nièce : « Que sont devenus, où as-tu mis le châle et le chapeau de jardin de ma pauvre mère ? J’aime à les voir et à les toucher de temps à autres. Je n’ai pas assez de plaisir dans le monde pour me refuser ceux-là. » En aura-t-il jamais assez de plaisir pour se refuser ces plaisirs-là ? Il y a un plaisir que l’on éprouve au contact de certains objets qu’aucun autre ne pourra remplacer.

© Paul Pouget, Nature morte.

Pour trouver la chose à laquelle m’adresser au seuil de cette nouvelle année, j’ai éprouvé le besoin de me tourner vers le passé, dans l’espoir de redécouvrir, dans les tas de choses qui peuplent ma mémoire, une qui puisse éventuellement s’imposer comme la chose pour aujourd’hui. Je n’ai pas eu besoin de trop réfléchir avant que mon regard ne se sente comme hypnotisé : les tasses de café dorées dans le dressoir de la salle à manger chez mes parents ! Du haut de toutes ces années je me tourne vers elles :

« Vous avez été pour moi le premier objet de méditation. Vous m’avez éveillée à la beauté et au mystère invisible que toute beauté montre et cache à la fois. Je vous ai souvent interrogées sur celui que je pressentais derrière vous. Je vous ai maintes fois déplacées en espérant le trouver. J’étais presque sûre que quelqu’un se trouvait là, derrière, je ne l’ai pourtant jamais vu. Je l’ai scruté dans le dressoir vidé, dans la couleur du bois et dans son parfum, mais je ne l’ai jamais aperçu. N’avoir pas trouvé celui qui se cachait derrière vous ne m’a jamais traumatisée, je savais que c’était bien ainsi, et que ça aurait été dommage autrement. Ce qui me faisait plaisir c’était déjà de le chercher, de vous parler, de vous toucher, de vous avoir sous les yeux. Vous étiez le signe de sa présence, et ça me suffisait. Si j’avais besoin de vous déplacer c’était aussi en quelque sorte ma manière de m’adresser à lui, de lui dire que j’avais compris qu’il était là et que ce n’est pas grave s’il se plaisait à se cacher.

Bonne Année à chacune de vous, où que vous soyez ! Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais sachez que je ne vous ai jamais oubliées et que le plaisir que j’ai eu à vous parler demeurera unique à mes yeux. Je ne vous ai jamais remerciées ! Je profite de ces fêtes pour vous adresser toute ma reconnaissance. Merci d’avoir été là, de vous avoir laissé faire par une petite fille de trois ans, de l’avoir entendue et de lui avoir toujours répondu, à votre façon… »

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