Jean 3, 16-20

L’acte fort de l’abaissement de Jésus au pied de chacun de ses disciples s’inscrit au cœur d’un repas. Le poids de ce geste amplifié par le silence qui l’entoure, est suivi d’une prise de parole de Jésus qui engage l’avenir des convives. Peut-être est-ce la raison pour laquelle la liturgie de ce jour isole ces versets du récit du lavement des pieds lui-même.

Jésus avait « déposé son vêtement » pour laver les pieds de ses disciples (Jn 13, 4). Cette fois, il dépose « une » parole dans le cœur des siens. Ils auront à s’en souvenir pour traverser la grande épreuve du doute et du désarroi après la mort de leur Seigneur. Paroles anticipées en vue d’’être affermis dans la foi. Amen, amen, je vous le dis….

« Un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie » (v. 16). Jésus est l’envoyé par excellence. Son choix de répondre à la trahison (qui n’est qu’un commencement…) par « l’amour des siens jusqu’à la fin », atteste qu’il est authentique serviteur du Père. « Pas plus grand que », c’est dire non à la tentation de répondre à la violence par la violence, c’est ouvrir une voie nouvelle. Et il s’en trouvera pour agir ainsi, foule immense de témoins à la suite d’Etienne (Acte 7, 54-60) jusqu’à aujourd’hui.

« Sachant cela, heureux êtes-vous si vous le faites » (v. 17).  L’exemple du lavement des pieds (v. 15) est promesse de Béatitude ! Si l’abaissement au pied du frère est adopté au sein des relations entre les membres d’une communauté humaine, elle pourra authentiquement (et seulement…) se revendiquer du Christ ! Mais comment comprendre cette joie promise quand on sait combien il nous en coûte de nous laver les pieds les uns des autres ? Le mot « Béatitude » signe la nature de cette joie, celle tout intérieure de qui espère dans l’épreuve, de qui mise sur la douceur, de qui paye le prix fort de la persécution dans l’engagement pour la justice, de qui œuvre pour la paix (Matthieu 5, 3-10).

« Ce n’est pas de vous tous que je parle.Moi, je sais quels sont ceux que j’ai choisis » (v. 18) Jésus semble vouloir protéger les siens alors que l’annonce d’une trahison se profile. Et pourtant, Judas, est du nombre de ceux que le Seigneur a choisi (Mt 10, 4) ! Mais que serait le lavement des pieds où le pécheur n’aurait pas sa place ? Et où trouverions-nous la force de l’amour des ennemis sinon dans le fait que Jésus reconnait dans la trahison de Judas le chemin qui s’ouvre à lui pour vivre le plus grand amour ?

*

Après cet exercice de style, je saute dans le métro. Une voix mille fois entendue entonne un refrain de mendicité. L’homme qui me fait face tend une pièce, un geste qui, en réalité, s’avérera une manière d’arrêter cet homme au visage ravagé par la pauvreté, de l’écouter, vraiment, de lui parler, de lui suggérer des pistes. Je suis impressionnée. L’heure passée à manier des mots, spirituels qui plus est, fait pâle figure à côté de de ce que je viens de voir. Ces mots semblent s’effondrer, pour d’autres.

« Ce que vous aurai fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurai fait ».

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