Actes des Apôtres

Synthèse de la journée de session du 18 juillet 2015

Par les Actes des Apôtres, Luc propose le récit de la naissance du christianisme : c’est un récit de commencement qui fait partie d’une œuvre double : l’Evangile, centré sur le récit de Jésus et les Actes, centrés sur la mission des disciples de Jésus. Le récit de Luc-Actes vise effectivement à provoquer un effet d’unité sur le plan théologique, mais cette unité n’est pas énoncée dans le texte, elle est donnée à construire dans la lecture comme une tâche dévolue au lecteur (Daniel Marguerat, La première histoire du christianisme, Labor et Fides, 2003, p. 70. Les références à cet ouvrage sur les Actes seront notées par les initiales D.M). Quels sont les signes, internes au texte, qui permettent de penser et de repérer que l’auteur a conçu comme un tout cohérent les cinquante-deux chapitres de ce diptyque ?

  1. Des inclusions signifiantes

(L’inclusion est un procédé rhétorique qui consiste à rappeler en finale un motif initial.)

Chacun des livres de Luc est encerclé dans une inclusion qui a beaucoup de sens :

  • L’Evangile lucanien commence au Temple, avec l’annonce de la venue du Sauveur (Lc 1,5-25) et nous conduit au Temple dans lequel les disciples sont envoyés pour attendre la venue de l’Esprit (Lc 24,53). Le lieu symbolique du Temple est mis ainsi en relief pour insister sur la présence de Dieu à son peuple, dans laquelle tout le récit est ancré.
  • Les Actes s’inscrivent entre la prédication du Ressuscité sur le Règne de Dieu (Ac 1,3) et la prédication de Paul sur le Règne de Dieu (Ac 28,31). C’est un message continu qui se déploie dans tout le livre mais pour Paul, l’auteur ajoute qu’il enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ… (continuité et déplacement).
  • L’ensemble Lc-Ac est dominé par une sorte de « voûte narrative » constituée par la formule le « salut de Dieu »: au début de l’Evangile, Luc 3,6, la prédication de Jean-Baptiste qui emprunte au prophète Isaïe 40,5 et à la fin des Actes 28,28, l’offre du salut de Dieu aux nations qui conclut la citation d’Isaïe6,9s. Entre ces deux citations, le récit circule et donne de voir se dégager peu à peu la visée théologique de Luc : raconter une histoire de salut, un salut prédit, incarné, annoncé, refusé par la majorité des Juifs, offert finalement aux païens qui « eux l’écouteront » (Ac 28,28b)(D.M., p. 75)
  1. Le phénomène de l’anticipation (prolepse= projection vers le futur de l’histoire racontée)
  • Actes s’ouvre par une grande anticipation narrative : la promesse du Ressuscité aux Onze (Ac 1,8) : c’est le programme narratif de Luc qui va plus loin, dans son énoncé, que le point d’aboutissement des Actes, puisque Rome n’est pas l’extrémité de la terre… C’est la promesse du Christ ressuscité qui engendre l’histoire qui va suivre : cette promesse reste féconde, à travers les épreuves des envoyés. C’est la clé de lecture pour tout le récit des Actes.
  1. Les chaînes narratives (Lignes tissées par l’auteur entre les deux parties du diptyque qui permettent de mesurer la continuité et la progression du récit)
    1. La chaîne des centurions

Trois centurions jouent un rôle important à des moments-clés de Lc-Ac : celui de capharnaüm (Lc 7,1-10), le premier non-juif à demander une guérison ; celui qui au pied de la croix confesse sa foi (Lc 23,47) ; le centurion Corneille qui donne à Pierre d’expérimenter l’ouverture du don de la grâce aux païens (Ac 10 – 11 ; 15,7-11). Trois hommes à la foi exemplaire. Entre ces trois personnages Luc indique la continuité d’une grâce étonnante liée à la foi. Cette chaîne produit trois effets sur l’ensemble du récit : en premier lieu, elle met en relation de continuité le geste de Jésus concernant la pureté rituelle et la rencontre de Pierre et de Corneille ; elle indique le regard positif de Dieu sur le païen Corneille, consacrant l’écroulement de la barrière entre le pur et l’impur (cf. Ac 10,9-16) ; enfin elle soutient le choc de l’ouverture du salut aux païens.

  1. La chaîne des conversions

Nous connaissons la triple répétition du récit du chemin de Damas dans les Actes (9,1-19a ; 22,1-21 ; 26,1-29). Nous en trouvons l’amorce dans l’Evangile de Luc : le Ressuscité déclare, à propos de Saul, qu’il est un instrument d’élection pour porter mon nom devant des nations et des rois (Ac 9,15) ; or nous trouvons là un écho direct à la prédiction de Jésus à ses disciples en Lc 21,12 : Ils vous traîneront devant des gouverneurs à cause de mon nom… Et nous pouvons remonter plus haut encore dans le récit de l’Evangile, en Lc 12,11, avec la mention des tribunaux juifs et romains et le rôle de l’Esprit déjà invoqué. Le narrateur indique donc que la mission de Paul porte la marque du continuum, à travers les paroles de Jésus préparant les disciples au témoignage et à l’épreuve.

  1. La chaîne de la grâce et de la pureté

Nous pouvons relever un mouvement identique entre les paraboles de Lc 15 et la rencontre de Jésus avec Zachée (Lc 19,1-10) :

  • Constatation de l’accueil des pécheurs (15,2) ou de Zachée (19,5)
  • Déclaration de salut (15,7.10.24.32 ; 19,9)
  • Manifestation de joie (15,6.10.23.32 ; 19,6)

Cela veut dire que Zachée concrétise et confirme l’enseignement de Jésus dans les paraboles : le salut est offert gratuitement aux pécheurs, malgré le scandale éprouvé par les justes…

Cette chaîne de la grâce opposée à l’observance rituelle de la Loi reproduit les mêmes questions lors de l’assemblée de Jérusalem en Ac 15 :

  • On ne peut être sauvé sans la circoncision (v.1)
  • Cependant le récit de la conversion des païens cause une grande joie (v.3)

La contestation qui opposait les légalistes à Jésus s’est déplacée à l’intérieur de l’Eglise ; cependant la même grâce l’emportera : Dieu, dès le début, a pris soin de choisir parmi les nations païennes un peuple à son nom (Ac 15,14).

  1. La chaîne de la Pentecôte

En Luc 12,49, nous trouvons une affirmation surprenante de Jésus sur le feu qu’il vient jeter sur la terre et le baptême dont il doit être baptisé… : le lien entre les deux termes interdit de penser au feu du jugement eschatologique mais oriente plutôt vers une référence à l’Esprit-Saint (cf. Lc 3,16). Seul, le récit de la Pentecôte (Ac 2,1-13)

dévoilera le sens plénier des paroles de Jésus et de même les manifestations communautaires du don de l’Esprit, comme autant de pentecôtes de surcroît (Ac 10,44-46 ; 19,6). L’Eglise grandit et se constitue à travers ces irruptions intempestives de Dieu, par l’Esprit qui ouvre les croyants aux dimensions du monde et de l’histoire.

Enfin, il faudrait relire le passage de Luc 4,16-44 comme le texte-programme du diptyque Lc-Ac : « le récit de la prédication de Jésus à Nazareth et les premières guérisons qu’il opère à Capharnaüm donnent les clés de lecture de toute l’œuvre de Luc. Le récit des Actes met en étroit parallélisme le ministère des Apôtres et celui de Jésus. Une étude entre la figure de Jésus et celle de ses disciples dans les Actes le montre très clairement. De même les débuts du ministère de Pierre (Ac 2) ont pour écho ceux de Paul (Ac 13). Nous avons donc trois « prédications inaugurales (Jésus – Pierre – Paul) mises en perspective qui jalonnent les grandes étapes du récit et en marquent la cohérence. »

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