Luc 6, 27-38

Briser l’irréversible…

00d_41
© Fabienne Verdier

Comment ne pas le redire, aujourd’hui, avec St Augustin : la cité des humains est traversée, tout entière et selon des formes multiples par les conflits meurtriers, notre monde est devenu « la maison de la guerre » ?  Occulter cette réalité derrière le rideau de bons sentiments de paix universelle ou de stratégies abstraites de pacification des fauteurs de guerre, voici une autre violence qui prend sa source dans un aveuglement facile, dans l’illusion…

Notre foi évangélique nous « oblige » à une traversée : inscrire dans ce monde visible, déchiré par des violences inouïes, les ouvertures et les passages possibles vers un autre monde ; un monde où les « ennemis » réels de la paix et de la vie peuvent être regardés selon un autre point de vue. Inscrire l’invisible dans le visible.

En tant de lieux, nos frères et nos sœurs, nos familles et nos amis ne sont-ils pas entraînés et engloutis dans la spirale de la violence ? Et ce mouvement tragique nous situe au cœur de l’irréversible : là, nous nous éprouvons impuissants, dépossédés de toute maîtrise, parfois tentés dans nos discours et nos prises de position d’adopter une posture désespérée, de nous laisser aspirer par cette violence irréversible.

L’Evangile de ce jour est vraiment un commandement : « Tu briseras l’irréversible » ! Tu briseras la logique de la peur et de l’exclusion, non par le jugement, non par la démonstration de forces supérieures et sans limites, non par la stratégie de la menace… Tu désamorceras la logique de la peur par la conversion de ton propre regard. L’ennemi réel qui déchaîne les forces de mort est encore regardé comme un « ami », capable de recevoir de l’amour et d’en offrir, par ce Dieu de Jésus-Christ qui a voulu se faire proche de toute humanité : « C’est quand nous étions ennemis de Dieu que nous avons été réconciliés avec Lui par la mort de son Fils » (Romains 5,10)…

« L’amour purement spirituel est le partage du petit nombre. Lorsque Dieu dévoile ce que c’est que d’aimer le Créateur, ou la créature, on connaît cela par son expérience. Dieu élève à cet état des âmes généreuses, royales » (entendre : des âmes filiales). « Il leur importe peu qu’on les aime : il y a un profond aveuglement à vouloir être aimé des autres. Ceux-là aiment ce qu’ils voient et s’affectionnent à ce qu’ils entendent: or ce qu’ils voient est stable. Leur amour ne redoute aucune fatigue: ils veulent qu’il soit durable. Cet amour coûte cher à ces âmes : elles sont prêtes à sacrifier leur vie. Précieux amour!  Il s’applique à imiter le prince de l’amour, Jésus, notre Bien! »
(Thérèse d’Avila, Chemin de perfection 7,2-10).

Sœur Frédérique Oltra, communauté du Caire, Egypte

Un commentaire

  1. AIMEZ VOS ENNEMIS, FAITES DU BIEN… PRIEZ POUR CEUX QUI VOUS CALOMNIENT… SOYEZ MISERICORDIEUX COMME VOTRE PERE EST MISERICORDIEUX. (Lc 6, 27-38). L’amour de DIEU n’a pas de limites, ni de distinctions. Car, à ses yeux, nous sommes tous égaux. C’est pourquoi IL nous propose une vie dynamique, progressive, qui ne s’arrête pas à nos seules considérations égoïstes. C’est une vie dont l’essentiel se résume à aimer, faire le bien, prier, particulièrement pour ses ennemis et être miséricordieux. Entre la prière et l’action, il y a l’amour et la miséricorde qui orientent l’agir de l’Homme. Aimer c’est élargir les horizons de notre cœur, au-delà de ceux qui nous sont proches ; c’est voir plus loin que le quotidien. Tandis que la miséricorde est la compassion envers celui qui souffre et auquel s’ajoutent la générosité et la bonté gratuite. Et quand l’amour et la miséricorde se rencontrent, notre prière est plus fluide, expressive et concrète, et l’agir qui suit correspond réellement à la volonté de DIEU. Avec cela, toutes les pratiques humaines communément admises sont renversées. Il ne s’agit plus simplement d’aimer ceux qui nous aiment, mais davantage nos ennemis, de prier pour ceux qui nous persécutent. Mais, comment continuer d’aimer quand nous sommes persécutés ? Comment prier pour ceux qui nous font souffrir ? Ce dilemme nous laisse devant deux choix : soit nous creusons plus en profondeur les bienfaits de la prière, afin de continuer à aimer, par-dessus-tout ; soit nous prenons la résolution de fermer notre cœur à l’amour et de l’ouvrir à la haine, aux jalousies, aux tensions et aux rancœurs. Et ainsi, le cycle de la haine et des violences ne fera que grandir, et nos cœurs se plongeant toujours plus dans l’amertume. Apprendre à aimer en vérité c’est apprendre donc à guérir des blessures de haine et de rancœurs ; c’est sortir de l’indifférence devant celui qui nous a blessés et qui implore notre pardon. Aimer c’est croire qu’une issue est toujours possible, avec la grâce de DIEU. L’amour est donc une forme de thérapie spirituelle et affective, qui cherche le meilleur dans ce qui est rejeté, abandonné, renié par les hommes. Bon dimanche de méditation et de repos
    Abbé ACHILLE KANDI, Archidiocèse de Bertoua

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.