Matthieu 16, 13-20

CHEMIN DE FOI
Au nord d’Israël, bien que proche du Jourdain, Césarée de Philippe est une ville romaine désertique où les fouilles archéologiques ont mis au jour trois petits temples, c’est dans cette ville païenne et assoiffée que Jésus a choisi de révéler à ses disciples son identité profonde de Sauveur de tous les hommes. Il choisit de se révéler, de se laisser reconnaître. Et c’est ici, dans une expérience singulière et personnelle que Pierre va le confesser Messie et Fils « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » ; et que lui-même va recevoir son identité et sa mission d’affermir ses frères « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Il y a un échange entre le personnel et l’altérité, entre le singulier et l’universel, entre l’expérience personnelle et l’histoire commune avec d’autres.
Ce texte est rencontre et mouvement car il nous montre les échanges entre le Père et le Fils, le Père et Pierre, Pierre et Jésus et il s’agit bien là de transmission et de don réciproque.
Jésus ouvre un chemin de foi à tous ses disciples, il s’agit de le suivre et d’aller par lui et avec lui plus loin que les « on-dit » et que le charnel du « Fils de l’homme » ou de « la chair et du sang » – qui n’est pas non plus sans écho à son corps cloué et à son sang versé. Il s’agit d’aller plus loin que son sacrifice et sa mort, car non! « la puissance de la Mort ne l’emportera pas » sur eux. Les disciples devront le suivre courageusement comme « le Fils du Dieu vivant » et faire Église, faire ensemble, œuvrer ensemble au projet de Dieu.
Il y a une identification et une reconnaissance réciproque pour une union dans l’infini et pour l’éternité, au sens sans doute du mot « cieux » qui revient cinq fois dans ce texte. Dieu partage son propre pouvoir (de lier et de délier) jusque dans les cieux, jusque dans l’éternité. Ainsi Dieu, en révélant au cœur de Pierre qui il est « JE SUIS », lui donne aussi à voir que ce qu’il est, l’homme le devient aussi et qu’il n’est pas appelé à moins que ça, puisqu’il est le bénéficiaire de son pouvoir et de sa propre mission de Salut universel, l’édification du Corps mystique du Christ, son Église du Ciel, son Royaume.
Lectio à Saint Martin-Belle Roche, © CSJ 18 août 2020.

Il serait un peu superficiel d’en rester à la solennité de l’investiture de Pierre, son Église de la terre confiée est bien celle de la traversée et des petits… rien de prétentieux, rien d’un pouvoir écrasant, rien de mièvre non plus. Ces quelques versets ne peuvent pas être isolés de leur contexte douloureux et non glorieux, c’est à dire de celui de l’annonce de la Passion, des souffrances et de la mort à venir, ni de celui de l’incompréhension de Pierre et de son reniement. Pierre est bien le petit ou le pauvre à qui le Père révèle son secret dans une neuvième béatitude qui est une bénédiction divine, un don : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux ». Son Église sera celle du combat et des persécutions. Pierre est aussi le petit et le pauvre à qui Jésus remet les clés du Royaume.

Les clés du Royaume sont multiples et plurielles, elles ouvrent ou ferment les portes. Et Pierre, n’en sera-t-il pas lui-même l’heureux bénéficiaire quand son reniement sera changé en confiance ? Les clés du pardon et de la réparation intégrale, voilà ce que Jésus lui offre et que Dieu donne à tous les hommes (Cf. Mt 18,18), cette paix que le Ressuscité soufflera aux disciples (Cf. Jn 20,23) au lendemain de sa Pâque.

Qui est ce Fils de l’homme ? « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? », nous pouvons écouter Jésus nous poser cette question ? Une question d’identité non pas sans réponse mais aux réponses infinies : tu es le Tout-Autre qui est à côté de moi, celui qui m’aime et qui aime tous les autres à l’infini, celui qui s’identifie totalement aux hommes « c’est à moi que vous l’avez fait » et qui se donne à reconnaître à l’infini des visages rencontrés, celui qui comme la Croix a les yeux vers le Ciel et les bras ouverts à toute l’humanité. Jésus est celui qui nous met devant l’impossible de la Croix et nous la donne à contempler, à la vivre au quotidien parfois de manière très ordinaire, une croix comme le pique planté dans un endroit solide (Cf. Is 22,23).
Le texte se termine par un silence : « Jésus ordonna aux disciples de ne dire à personne que c’était lui le Christ ». Comme à la Croix, comme le blé tombé en terre, le silence et le caché nous rappellent qu’il est des solitudes et des déserts à porter au secret du cœur, sous le regard de Dieu seul et dans la foi qui nous épure, nous conforme et nous unit à Lui. De ce silence jaillit notre nom, notre appel singulier pour accueillir pleinement notre vocation et notre mission. Et quand il sera temps de proclamer et annoncer la Bonne Nouvelle à toute la terre, nulle crainte à avoir car en ce jour-là, même si nous nous taisons les pierres crieront (Cf. Lc 19,22).

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