Matthieu 18, 21-19, 1

Quand apprendrons-nous l’arithmétique évangélique, celle qui consiste précisément à ne pas ou ne plus compter ? Savons-nous qu’en établissant une mesure, nous nous privons de la démesure de Dieu ? L’apôtre Pierre, notre frère, se considère pourtant comme fort généreux. Mais il n’a pas encore perdu pied dans l’amour sans fond de Celui qui l’aime infiniment.
Me revient souvent en mémoire une phrase dite par une personne qui m’est chère : « il y a des choses que je n’avouerai jamais à personne ». Quel secret mortifère. Il est terrible de ne pouvoir faire suffisamment confiance pour être tel qu’on est, parfois du fond de ses enfers, pauvre et vulnérable, sous le regard de quelqu’un qui nous aime ! Cela s’explique sans doute par des expériences traumatisantes qui culpabilisent à outrance. Et sans doute aussi parce que le pardon est bien plus qu’humain. Je me prends à rêver et surtout à prier : que vienne pour tous et chacun le jour de la rencontre avec la miséricorde de Dieu offerte par un frère, une sœur, un ami. Car celui qui a été rencontré par un regard qui ne juge ni ne condamne revient à la vie. Le pardon est une nécessité vitale qui s’inscrit dans notre existence quotidienne.
Tout est simple au commencement et en Dieu. La Genèse exprime cela en des termes très ordinaires. Dieu se promène à la brise du soir et s’entretient familièrement avec nos premiers parents, jusqu’au moment où ceux-ci se mettent à douter de son bon vouloir. Ils rompent leur lien de confiance et éprouvent la distance comme une punition, alors qu’elle n’est au fond qu’une ruse de l’amour et qu’elle se parcourt à jamais avec et en Celui qui est le Visage de cet amour. A cause de son trop grand amour, il nous est donné de retrouver la connivence !
Celui qui un jour a croisé ce regard-là, comment peut-t-il agir autrement avec ses frères ? Comment être impitoyable dès que l’un d’entre eux vient à nous offenser ? Pourtant, le pardon n’est pas si facile. Pierre doit le savoir par expérience, sinon il n’aurait pas interrogé Jésus. Il ne suffit pas de quelque résolution généreuse.
Si nous pouvions nous laisser rencontrer par ce trop d’amour de Dieu, tout changerait. Il pourrait transformer notre cœur à l’image du sien, un cœur qui ne condamne jamais quand il voit ou discerne le mal, et qui sait que le péché est occasion d’humilité et donc de nouvelles grâces. Être pardonné et pardonner sont un seul et même mouvement. Ce n’est pas une condition morale : c’est une dynamique de l’âme.

Je m’accrocherai, mon Dieu
au cercle vertueux de ta grâce infinie
moi qui vis à ton crédit
Décuple ma joie d’être pardonnée,
par celle de pardonner moi aussi. (MMC)

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