Chapitre : homélie

Le thème de la fragilité est très présent dans l’expérience et la réflexion chrétiennes contemporaines : il est donc tout naturellement présent dans votre chapitre. A la fois traditionnel, s’autorisant des béatitudes et éprouvé par tant de saints et de communautés chrétiennes, il prend, avec l’apport des sciences humaines et les mutations actuelles de l’Eglise, une pertinence toute particulière. Il n’est pas sans ambiguïté cependant et certains lui préfèrent le vocabulaire de la pauvreté, plus biblique, ou de la vulnérabilité, plus relationnel. La fragilité n’est pas nécessairement en effet une valeur chrétienne car il peut exister une sorte de terrorisme ou chantage de la fragilité, de médiocrité de la fragilité ou de fatalité de la fragilité qui semble incompatible avec, par exemple et tout en connaissant leurs dérives ou perversions possibles, le combat spirituel ou le travail des vertus. C’est dans ce contexte que nous pouvons recevoir notre première lecture comme fournissant une critériologie de la fragilité chrétienne. Le terme ‘fragile’ est absent du texte de Paul mais il est exprimé par l’image du « vase d’argile » : « attention fragile » va-t-on indiquer sur une caisse de déménagement contenant de tels objets. Voici donc cinq points d’appréciation.

La fragilité chrétienne est théophanique… ou épiphanique : elle manifeste le mystère de Dieu. Elle n’est pas là pour attirer à elle mais pour attester que ce qui est à l’œuvre vient de Dieu, ne peut venir que de Dieu. La fragilité chrétienne est donc doxologique comme l’exprime la finale de notre péricope avec ce jeu magnifique de la grâce qui appelle l’action de grâce dans la logique de ce verset de l’évangile médité récemment : à celui qui a, il sera donné encore. La fragilité chrétienne est féconde : pas de morbidité dans tout cela ! Au contraire dans ce jeu remarquable du nous et du vous, saint Paul exprime que tout cela est au service de la vie… et de la gloire de Dieu comme nous l’avons déjà exprimé. Quatrièmement, la fragilité chrétienne est paradoxalement forte, résistante, résiliente : c’est la série impressionnante des antinomies pauliniennes. La fragilité n’est pas celle de la porcelaine qu’un rien ne casse, plutôt celle du roseau qui plie sans céder. Là aussi cette force paradoxale atteste qu’elle vient d’un autre. Enfin, cette fragilité se vit « à cause de Jésus » : c’est la foi – ce lien de confiance en Jésus – qui fait parler, attester, témoigner et dont la parole se voit authentifier par l’Esprit qui la porte et se manifeste dans cette faiblesse paradoxale. A travers tout cela, se joue le travail de transformation du disciple, à la fois apostolique et mystique, de transfiguration, qui conduit à cette place « près de Jésus, avec vous » comme dit Paul. Cela exprime au fond en ce jour le beau chemin accompli par saint Jacques, de son désir d’une place exclusive et numérotée à une place non moins belle près du Maître aimé mais sans prérogative. Cela exprime le chemin que votre chapitre, vos communautés fraternelles et chacune d’entre vous ont à poursuivre en étant de ces vases ajourés par le mystère transformant de Dieu. Amen

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